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Nomadisme politique au Maroc: le verdict de la justice

Nomadisme politique au Maroc: le verdict de la justice

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Les tribunaux administratifs marocains ont enregistré, ces derniers jours, plusieurs requêtes déposées par les partis politiques contre d’anciens membres, suite au mouvement de transhumance politique qui a marqué la scène politique à la veille de la campagne électorale.

D’anciens camarades de lutte sont devenus des adversaires à l’occasion des élections du 8 septembre dernier. Plusieurs formations politiques ont déposé des requêtes contre d’anciens membres qui ont rejoint d’autres partis. Certains de ces dossiers ont été jugés par les tribunaux administratifs du royaume. Quel a été le verdict?

L’une des affaires jugées oppose le Parti du progrès et du socialisme (PPS), en la personne de son secrétaire général, Nabil Benabdallah, et l’ex-militant Mustapha Moukoul. Ce dernier avait choisi, un mois avant les communales, de se présenter sous la bannière du Mouvement démocratique et social (MDS) à Khémisset. Et il a remporté son siège, chose qui a déplu à son ancien parti.

Le PPS a alors intenté un recours contre Moukoul auprès du tribunal administratif de Rabat. Le parti estimait que sa démission n’avait pas été acceptée par les instances dirigeantes pour motif de non-régularisation de sa situation financière (cotisations mensuelles et annuelles). De ce fait, il appartenait à deux formations politiques à la fois. Le PPS a donc demandé l’annulation de son élection à Khémisset.

Fin de chantage

L’affaire Moukoul a été jugée le 20 septembre dernier. Dans sa décision rejetant la requête du PPS, le tribunal administratif de Rabat a estimé que, selon l’article 21 de la loi 29.11 relative aux partis politiques, «nul ne peut adhérer, en même temps, à plus d’un parti politique». Cependant, pour le juge administratif, le PPS, en refusant la démission de Moukoul, a contraint ce dernier à se retrouver dans une situation qu’il n’a pas cherchée volontairement.

Selon les juges, pour que l’adhésion à deux partis soit considérée comme facteur d’inéligibilité, elle doit être «volontaire» et «libre». Or, Moukoul avait déjà notifié, officiellement, sa démission à son ancienne formation, le 13 août dernier. On ne peut donc parler de «double adhésion».

Pour ce qui est de la régularisation de la situation financière, la juridiction administrative a estimé que le PPS peut réclamer les sommes dues via une autre procédure spécifique au recouvrement des impayés.

Une jurisprudence: la démission n’est plus tributaire de la validation du parti

La nouveauté du jugement de l’affaire Moukoul réside dans le fait que les juges ont mis fin à une question litigieuse, celle de savoir si la démission d’un militant n’est effective qu’après la validation de son parti.

Le tribunal a répondu non. Justificatif: «le lien entre le militant et son parti ne ressemble en aucun cas à celui entre un fonctionnaire et son administration. De ce fait, il n’est ni organisationnel, ni contractuel, mais il est basé sur le principe de la liberté d’appartenance politique consacré par la Constitution».

En ce sens, la décision du PPS de rejeter la démission de Moukoul, qui a exprimé son refus d’appartenance à la formation, viole le principe de la liberté d’appartenance politique, consacrée par la Constitution et affirmée par la loi sur les partis politiques, a tranché le tribunal.

De son côté, le PPS a tenté d’utiliser dans son dossier un arrêt de la Cour de cassation daté de 2017, qui énonce que «la démission n’est définitive qu’après l’aval des organes dirigeants du parti». Cet argument a été rejeté par la juridiction de la capitale, qui a estimé que «sa décision a été conforme à la loi, abstraction faite d’autres décisions, y compris celles rendues par des juridictions de degré supérieur».

Dans une affaire similaire, le tribunal de première instance d’Oujda a décidé d’annuler l’élection d’un membre du Conseil communal de Nador. Il s’agit de Yassir Attizini, qui s’était présenté sous les couleurs du PPS. Mais contrairement à Moukoul, Attizzini n’avait pas présenté sa démission à son ancien parti, le PAM. Ce que les juges ont considéré comme une «double adhésion volontaire».

Ainsi, tout membre qui désire quitter sa formation politique doit présenter officiellement sa démission. Mais il n’est pas tenu d’en attendre la validation par le parti, car il est libre d’embrasser l’idéologie qui lui convient le mieux, d’après cette nouvelle jurisprudence.

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