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Audio. Abdullah Abaakil (PSU): «Au Maroc, il n’y a pas encore de mouvement libéral»

Audio. Abdullah Abaakil (PSU): «Au Maroc, il n’y a pas encore de mouvement libéral»

Candidat du Parti socialiste unifié à Casa-Anfa lors des prochaines élections prévues le 8 septembre 2021, Abdullah Abaakil revient en détail sur le projet et la stratégie de son parti pour les Marocains, ainsi que les véritables maux de la politique nationale. Sans détour.

Ni9ach21: Qui est Abdullah Abaakil?

Abdullah Abaakil: J’ai grandi dans une famille militante. Politiquement, je suis né à la maison du Maroc à Paris et au sein des assemblées générales de l’UNEM. Alors j’ai décidé de faire les sciences politiques et je suis sorti diplômé de Sciences Po Lyon. Par la suite, je me suis orienté vers l’industrie des matériaux de construction, dans l’entreprise familiale, où j’ai fait la majeure partie de ma carrière, soit plus de 20 ans. Après différents évènements politiques, différents engagements, mais toujours un peu distants des organisations politiques, j’ai rejoint le Parti socialiste unifié en 2015. J’avais déjà cette intention en 2005, à la constitution du parti, mais je sentais que les conditions n’étaient pas nécessairement réunies à ce moment. C’était encore très traditionnel dans le fonctionnement. Néanmoins, en 2015, j’ai senti que ça commençait vraiment à ressembler à un parti avec une véritable ambition, une véritable envie de changer les choses, d’être plus engagé dans une action politique qui aboutisse à quelque chose.

Pourquoi le PSU?

J’ai toujours été proche de ce parti. Avant de le rejoindre, j’ai toujours soutenu et fait campagne en sa faveurt. C’est donc un cheminement logique. Dans ma jeunesse, j’étais déjà engagé politiquement au sein de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France-indépendante et démocratique) et j’ai aussi fait un assez long passage par la jeunesse USFP à l’époque.

Le PSU est, à mon sens, ce que beaucoup de gens de gauche recherchaient au Maroc depuis des années, c’est-à-dire un parti ouvert, démocratique dans son fonctionnement, avec un projet qui se nourrit de cette ouverture, des apports de la société qui évolue. Il est, certes, nécessaire que les organisations politiques soient très fermes sur leurs principes, sur leurs grandes orientations. Pour la gauche, par exemple, le respect des droits de l’Homme, la justice sociale, la démocratie, etc. sont non négociables. Mais à l’intérieur de tout ça, il y a toujours moyen de travailler sur des concepts un peu nouveaux, de comprendre les évolutions sociologiques d’une société donnée. Surtout au Maroc, la société est relativement jeune et évolue très rapidement. Alors, cette ouverture permet en permanence de nourrir le discours, le contenu, la manière de faire les choses, les pratiques militantes…

Le PSU reste un petit parti, mais on en entend plus parler en termes de dissensions internes, de clivages, que de véritable projet de société. Comment vous positionnez-vous face à cela?

D’abord, c’est un petit parti qui veut devenir grand. Et il est à l’image de la société, qui n’est pas uniforme, avec des divergences qui peuvent aboutir à des conflits. Mon attachement à ce parti est motivé par la garantie d’une certaine liberté et la possibilité de discuter les choses, d’exprimer ses éventuels désaccords sur la stratégie, ou même de créer des courants au sein du parti. Vous voyez, par exemple, que lors de la crise que nous avons vécu, personne na été exclu du parti. Il y a encore et toujours cette possibilité de discuter en interne. Mais ce qui est important c’est d’avoir été fidèle malgré les tensions. Donc d’une certaine manière, on a les défauts de nos qualités.

C’est un petit parti qui veut devenir grand. Comment ?

En étant le plus créatif possible et en collant le plus à ce qui pourrait attirer les nouvelles générations dans l’action politique.

Même quand on est en face d’une grosse désaffection des jeunes par rapport à la chose politique?

Pour moi, il n’y a pas une désaffectation des jeunes par rapport à la politique. Au contraire, l’on voit un intérêt très important de leur part. La désaffection est constatée plutôt par rapport aux structures politiques. Enormément de citoyens se positionnent sur des questions sérieuses avec beaucoup d’engagement, mais quand il s’agit d’intégrer une structure qui viendrait synthétiser tout cela, ce passage est beaucoup plus compliqué. C’est pour ça qu’il faut être le plus adapté possible, c’est-à-dire arriver à ouvrir les structures et accepter l’apport d’idées nouvelles. On doit s’adapter à la société, pas l’inverse.

Au Maroc, nous avons plus ou moins les islamistes d’un côté, et les libéraux de l’autre. Comment le socialisme veut-il se positionner, réellement?

Il y a effectivement un mouvement islamiste, mais, en mon sens, il n’y pas de mouvement libéral. C’est un des grands déficits dans le pays. Cela peut paraître bizarre, car venant d’un socialiste, mais j’appelle de mes vœux un mouvement libéral, éventuellement un parti libéral, mais qui serait réellement indépendant en termes de structures. Qui aurait une voix à lui, pas piloté. Ainsi, je distingue des partis qui ont un ancrage populaire et un certains nombres de partis où c’est la foire aux voix, avec des pratiques pas très nettes et sans positionnement politique vraiment visible. Paradoxalement, au PSU, nous accueillons beaucoup de personnes qui se disent libérales mais qui ne trouvent pas un espace ou s’exprimer librement et faire réellement de la politique.

Quelles sont les ambitions du PSU par rapport au prochain scrutin?

Nous voulons enregistrer un progrès. C’est l’élément clé. Il faut être conscient d’une chose: tant qu’on avance, on est sur la bonne voie. On ne fait pas de politique pour frapper un grand coup dans une élection donnée. Par contre, il faut avancer, c’est-à-dire gagner des positions de manière à construire autour, et progresser la fois suivante, pour devenir, petit à petit, un grand parti. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut minimiser le poids d’un petit parti. Car nous restons le poil à gratter sur pas mal de sujets et nous avons souvent une audience qui dépasse largement notre électorat. Pour emprunter l’expression au football, dans les élections, nous jouons à l’extérieur et l’arbitre est avec les autres. Nous ne sommes pas dans un environnement qui nous est nécessairement favorable. Les règles n’ont pas été faites pour une compétition tout à fait ouverte. Quand vous décidez d’aller aux élections de manière transparente sans acheter les consciences, il y a des difficultés.

En cinq points, quel est votre programme?

Commençons par Casablanca. On se rappelle, il y a deux ans, du grave problème de déficit en bus dû à la fin du contrat de M’dina Bus. Cela pose le problème de la gestion déléguée du service public. Pour moi, le secteur privé est quelque chose de formidable dans un environ compétitif, pas dans un environnement monopolistique de service public. A chacun son boulot. Donc le service public, pour nous, doit être géré par le public, parce que les dangers sont trop importants. Deuxièmement, dans la pratique politique, nous mettons en avant une charte, une sorte d’engagement dans la relation élu-électeur. Les élus font partie des électeurs. Nous partons du principe que notre patron, c’est l’électeur. C’est à lui que nous rendons compte. Donc nous mettons en place des permanences pour toujours avoir cet échange avec la population de manière à pouvoir transmettre ses doléances au sein des institutions, et lui amener l’information sur ce qui se passe dans les institutions, ce qui est décidé pour elle.

Notre programme a également un volet concernant le sport et la culture. Cette orientation consiste à dire que les grands théâtres, les grands stades, etc., c’est très bien, mais on ne peut les nourrir qu’à travers des plus petites structures, disséminées un peu partout, avec un maillage beaucoup plus modeste et moins budgétivore, qui permet de développer l’ensemble des talents. Nous combattons donc le gigantisme sans but, sans réflexion préalable et sans bilan.

Sur un plan plus national, il y a une question de souveraineté économique, qui est absolument nécessaire. On ne peut pas se dire pour la souveraineté économique et en même temps être intégré dans la mondialisation et les accords de libre-échange. Il faut choisir. Il n’y a pas de politique qui prend le meilleur de deux mondes. En politique, il faut être clair: quand on choisit une voie, on en sacrifie une autre. Cela ne veut pas, pour autant, dire qu’on doit rompre avec la mondialisation, mais il y a effectivement une nécessité de revoir l’ensemble des accords de libre-échange. Nous en avons signé avec pratiquement le monde entier sans nous poser la question concernant ce que notre tissu économique est capable de faire. Résultat: nous sommes extrêmement dépendants. Et toujours sur le plan national, nous insistons également sur le service public, en particulier l’éducation et la santé. Par exemple, avec la campagne de vaccination (anti-Covid, ndlr), nous sommes en train de réaliser à quel pont un service public de santé fort est fondamental pour un pays. Et ça ne se négocie pas.

On peut peut-être y voir un message d’espoir, celui de dire que tout est réformable au Maroc…

Bien sûr, l’un des avantages d’être un pays du Sud est qu’à un moment, on peut mieux faire les choses et on peut les faire rapidement, car on est beaucoup moins retenu au sol par des structures extrêmement lourdes, comme c’est le cas ailleurs. Mais ces choix doivent être faits.

Combien de sièges au Parlement visez-vous, idéalement ?

Pour moi, idéalement, ce serait 5. Mais au-delà du nombre de sièges au Parlement, l’implantation locale est aussi fondamentale. C’est-à-dire qu’au Parlement, on fait notre travail, mais il y a aussi l’objectif des communales. Et il serait très, très important – et on n’est prêts à sacrifier un siège ou deux au Parlement pour cela – d’avoir une représentation au Conseil de la ville de Casablanca. Parce qu’actuellement, nous n’avons aucun siège et nous voulons faire bouger les choses.

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