Suite à la décision du ministère de la Santé de retirer de la vente les autotests de dépistage de la Covid-19 développés par le laboratoire marocain Gigalab, l’on assiste au développement d’un «marché noir» de ce produit. Détails.
Les autotests de dépistage de la Covid-19 ne sauraient se substituer aux tests PCR effectués par des professionnels, mais ils aident à renforcer la lutte contre la pandémie en raison de leur prix plus accessible. De ce fait, une guerre d’intérêts s’est déclenchée récemment entre les laboratoires, les officines et la marque Gigalab qui commercialise des tests antigéniques salivaires rapides. Le ministère de la Santé, entre la poire et le fromage, a ordonné mi-juillet le retrait des tests du laboratoire de biotechnologie marocain pour «manque d’autorisation» de commercialisation. Résultat: l’on assiste à une pagaille au niveau des prix et à la vente de tests sur le marché noir.
Tout est parti de la Chambre syndicale des biologistes (CSB), soutenant que les tests de dépistage de la Covid-19 sont l’apanage des professionnels de santé, et que seuls les biologistes et les médecins autorisés sont habilités à les réaliser. Le groupement a ainsi adressé, le 7 juillet dernier, une lettre à Bouchra Meddah, directrice du médicament et de la Pharmacie au ministère de la Santé, pour dénoncer la commercialisation dans les pharmacies de kits de diagnostic rapide antigénique salivaire Covid-19, produits par Gigalab. Il a également souligné que seul le RT-PCR est autorisé par le ministère sur la base d’un cahier des charges, et que tout autre examen réalisé dans le privé en lien avec la Covid-19 doit être autorisé préalablement par la tutelle.
Dans leur lettre, les biologistes ont également rappelé que les pharmaciens ne sont pas habilités à réaliser des examens de biologie médicale, en vertu de l’article 57 de la loi n° 12-01 de 2002 relative aux laboratoires privés d’analyses de biologie médicale, l’article 14 du décret n° 2-05-752 de 2005 pris pour l’application de la loi susvisée et l’article premier de l’arrêté du ministère de la Santé 1131-13 de 2013. Ces articles stipulent en effet que les pharmaciens ne peuvent pratiquer que les prélèvements urinaires visant la recherche de glucose ou des protéines dans les urines par bandelette réactive et la recherche de corps cétoniques dans les urines par bandelette réactive.
La directrice du médicament et de la Pharmacie (DMP) a alors réagi en adressant, le 14 juillet, un courrier au président du Conseil de l’ordre des pharmaciens, informant ce dernier que le ministère de la Santé ordonnait le retrait immédiat du lot de tests antigéniques salivaires commercialisé par Gigalab. Une décision motivée par le fait que «le réactif à usage de diagnostic in vitro Gigalab Covid 19 Ag Gold Salive de l’établissement Gigalab, a été mis en vente dans les officines à travers les établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs, et ce, sans autorisation du ministère de la Santé».
Pourtant, lors d’un webinaire diffusé le 3 juin dernier, Karim Zaher, fondateur de Gigalab, a annoncé avoir été aidé par Chafik Rachadi, ambassadeur du Maroc en Corée du Sud, pour la conclusion du contrat de transfert de technologie auprès de la société coréenne PCL permettant la fabrication de tests Covid-19 salivaires 100% marocains et qu’il avait déjà obtenu le certificat d’enregistrement sous le N°: 2021/542/DMP/RL/18 auprès du ministère de la Santé.
Jusqu’ici, l’annonce du retrait des autotests Gigalab des pharmacies est entourée de confusion, puisque la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc (CSPM) a annoncé dimanche 8 août 2021, dans un communiqué, la poursuite de la commercialisation des autres tests salivaires, arguant du fait que seuls les kits de la marque Gigalab sont concernés par l’interdiction du ministère. D’autres marques commercialiseraient-elles donc des autotests de dépistage de Covid-19 au Maroc? Selon Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé, Gigalab est la «seule et unique marque d’autotest qui existe au Maroc». Le communiqué de la CSPM ferait-elle donc allusion à l’importation?
En attendant, rappelons qu’il existe trois tests reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le dépistage de la Covid-19, à commencer par le test RT-PCR, qui est un test virologique détectant minutieusement la maladie. Vient ensuite le test sérologique, tandis que le troisième consiste en un test antigénique rapide qui peut s’effectuer par prélèvement nasal, sanguin ou salivaire. Concernant ce dernier, sa particularité réside dans sa facilité de manipulation puisqu’il n’est pas un acte médical qui exige l’intervention d’un professionnel de santé comme c’est le cas pour les autres types. De ce fait, il peut être effectué chez soi et par soi-même, pour un résultat connu après seulement 10 minutes. Enfin, côté prix, il se situe entre 70 dirhams hors taxes et 100 dirhams toutes taxes comprises avec une durée de validité de deux ans et peut être conservé à une température entre 2°C à 30°C.
