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Exonérations fiscales au Maroc: un laisser-aller qui coûte cher, très cher

Exonérations fiscales au Maroc: un laisser-aller qui coûte cher, très cher

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Une nouvelle étude d’Oxfam remet sur la table la question de l’efficacité et la pertinence du maintien des exonérations fiscales pour le royaume. Détails.

Oxfam au Maroc vient de publier un rapport intitulé «Les exonérations fiscales, le grand manque à gagner: agriculture, immobilier, enseignement privé». Financée par l’Union européenne, cette étude remet sur la table la question de l’efficacité et la pertinence du maintien des exonérations fiscales pour le royaume. Pour ce faire, elle s’est focalisée sur les trois secteurs susmentionnés, car ceux-ci sont les plus grands bénéficiaires du dispositif d’exonérations fiscales en termes d’effectifs.

Globalement, le rapport révèle que «les exonérations fiscales génèrent un manque à gagner pour le fisc de près de 29 milliards de dirhams (MMDH) (environ 3 milliards de dollars), sous forme de 302 exonérations fiscales». Plus particulièrement, le rapport ajoute qu’«en 2018, les exonérations fiscales accordées représentaient près de 3% du Produit intérieur brut, alors que le déficit budgétaire s’élevait à 3,9% du PIB».

L’étude à passé au crible les principaux arguments en faveur du maintien du système actuel: un handicap économique en raison d’une défaillance étatique, une politique de discrimination positive, et l’augmentation de la compétitivité face à la concurrence fiscale étrangère. Après analyse: «Le secteur immobilier ne peut aujourd’hui guère être considéré comme un secteur devant bénéficier d’une politique de discrimination positive vu qu’il représente près de la moitié (47%) de la formation brute du capital fixe de l’économie marocaine. De même, l’agriculture marocaine affiche les meilleurs avantages comparatifs révélés (ACR) dans la zone MENA, une situation qui met le secteur à l’abri des effets de la concurrence fiscale des pays compétiteurs. Quant à l’enseignement privé, ce type d’éducation reste limité aux grandes villes et concerne moins de 16% des enfants marocains.» En d’autres termes, les trois secteurs ne réunissent pas les conditions pour la mise en place d’un dispositif d’exonérations fiscales.

L’accent a également été mis sur la valeur incitative des dépenses fiscales dans ces secteurs. A ce sujet, l’étude révèle que «la dimension fiscale est vue comme un obstacle à l’environnement des affaires uniquement via les problèmes de bureaucratie au niveau de l’administration fiscale». Cette dernière, est-il détaillé, est en effet «vue comme une contrainte pour près de 14% des entreprises marocaines en 2019, contre seulement 3% en 2013. Quant à la taxation, les niveaux de défiance des entreprises marocaines (15%) ne sont pas significativement supérieurs à la moyenne mondiale (13%).»

Poursuivant, le rapport souligne que l’obstacle fiscal à l’entrepreneuriat peut être surmonté en améliorant la relation Administration fiscale/Entreprises, plutôt qu’avec des mécanismes d’exonérations fiscales. De plus, ajoute-t-on, les exonérations fiscales n’ont pas d’impact significatif dans les décisions des entreprises d’investir ou de recruter.

Un autre point relevé est qu’il n’y a pas de corrélation entre les exonérations fiscales et les bonnes performances des trois secteurs susmentionnés. L’étude en veut pour preuve l’augmentation à 5,5% du taux de croissance de la valeur ajoutée immobilière entre 2013 et 2019, et ce, malgré une baisse de 40% des exonérations fiscales sur la même période. Et lorsqu’on s’intéresse à l’agriculture, en particulier, «les exonérations fiscales pour ce secteur n’ont servi, en réalité, que pour diminuer la pression fiscale sur les profits des grands agriculteurs, faisant de ce secteur une véritable niche fiscale», souligne le rapport.

L’étude révèle par ailleurs plusieurs «effets distorsifs» des exonérations fiscales. A commencer par le déplacement d’investissement entre l’industrie et l’immobilier, qui «prive l’économie marocaine annuellement de près de 1,7% de la valeur ajoutée industrielle, soit près de 2,1 milliards de dirhams». Aussi, les exonérations fiscales dans l’immobilier orientent l’offre vers le logement social (250.000 DH TTC), qui ne représente que 10% des besoins exprimés par les citoyens, aux dépens du logement à faible valeur immobilière (61% des besoins). En effet, 27 MMDH d’exonérations fiscales ont été accordés à la première catégorie, contre 1,6 MMDH pour la seconde.

Enfin, l’étude relève que la conception des exonérations fiscales ne prend pas en compte la dimension régionale, ce qui résulte en la concentration de l’offre en logements subventionnés sur certaines régions, tandis que d’autres affichent un déficit important. En effet, la Cour des comptes a calculé un gaspillage de 5,79 MMDH en termes de dépenses fiscales correspondant à une surproduction non nécessaire de 68.676 unités de logements sociaux.

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