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«Sexe contre bonnes notes», ce phénomène qui nuit à la réputation de nos universités

«Sexe contre bonnes notes», ce phénomène qui nuit à la réputation de nos universités

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«Sexe contre bonnes notes» résume parfaitement la situation que vit actuellement le milieu universitaire marocain. Une situation qui a révélé au grand jour quelques pratiques obscènes au sein de nos universités.

Révéler l’irrévélable

Sur les réseaux sociaux, des «screenshots» de conversations à caractère sexuel se sont propagés comme un feu de forêt. L’alerte a été donnée, la première fois, par des étudiantes de l’Université Hassan 1er de Settat, puis par leurs collègues de l’Ecole nationale de commerce et de gestion d’Oujda (ENCGO), et enfin, celles de l’Ecole roi Fahd de traduction de Tanger. Ces dénonciations ont étalé au grand jour nombre de pratiques obscènes qui ont cours dans quelques établissements universitaires: la demande de faveurs sexuels contre de bonnes notes ou des promesses de validation de module.

Une des victimes dans l’affaire de l’ENCGO a révélé à Ni9ach21 la manière dont son professeur l’a harcelée sans laisser derrière lui aucune trace: «Il a profité de la période des cours à distance pour nous ajouter sur Facebook». Au retour des cours en présentiel, l’étudiante n’est retournée en classe qu’après un mois, par peur du professeur. Mais cela n’a pas empêché ce dernier de lui «demander de l’accompagner dans un café», a-t-elle poursuivi.

Cette affaire ainsi que celle de Tanger montrent l’urgence de chercher les origines et les causes derrière la propagation de ces pratiques dans le milieu universitaire, surtout quand l’on sait qu’elles pourraient nuire à la réputation et à la crédibilité de nos universités.

Scandale éthique

Contacté par Ni9ach21, Abdeljabbar Choukri, expert en psychologie et en sociologie, confirme qu’il existe des étudiantes qui font des relations sexuelles un moyen pour atteindre leurs objectifs. Pour l’expert, ce phénomène a plusieurs causes, dont l’une des principales reste le niveau d’éducation médiocre de certains étudiants. D’un autre côté, le passage à la vie estudiantine est un changement radical dans la vie des jeunes. Face aux nombreuses difficultés, certains acceptent donc ce genre de pratiques.

Choukri précise également que le système éducatif marocain joue un grand rôle dans cette dépravation. En plus du système d’examen et des méthodes de correction pas très transparents, le manque de contrôle et d’encouragement de la dénonciation mettent nos étudiants dans des situations délicates. Ainsi, nombre d’entre eux ont subi des harcèlements sans pour autant avoir la possibilité de porter plainte. «Certains professeurs profitent des failles du système pour faire chanter des étudiantes», affirme-t-il.

De son côté, Mohssine Benzakour, psychosociologue, indique que l’on retrouve ce genre de pratiques dans tous les secteurs et domaines. Quant aux professeurs usant du chantage sur leurs étudiantes, Benzakour évoque une question d’éthique. Pour lui, afin de mettre un terme à ce phénomène, il faut poser les bonnes questions: pourquoi ces pratiques sont-elles concentrées dans les universités et dans cette période? Le sort des étudiantes est-il devenu si insignifiant que certains professeurs le manipulent à leur guise? Existe-t-il des cabales entre les responsables et les professeurs?

Réputation des universités et niveau des étudiants

Au sein de la société marocaine, quelques droits humains demeurent bafoués, ce qui impacte énormément la réputation des universités et le niveau des étudiants, estime Choukri. «Ceux qui réussissent grâce à ces pratiques ne deviendront jamais de bons citoyens dont les qualités et compétences leur permettent de travailler et de servir les intérêts du pays», précise-t-il. Le chantage sexuel dans le milieu universitaire ne permettra aucunement le développement du niveau de l’éducation au Maroc.

Benzakour, quant à lui, estime que sans la vive mobilisation du ministère de l’Enseignement supérieur, les universités marocaines risquent de perdre leur crédibilité et leur réputation. Il explique: «Ces scandales pourraient retourner l’opinion publique contre l’ensemble des établissements de l’éducation supérieure au Maroc.»

Renforcement du cadre juridique

Aatifa Timjerdine, vice-présidente de l’Association démocratique des femmes du Maroc, assure que le harcèlement et le chantage sexuel de quelques professeurs envers leurs étudiantes corrompt le droit de ces dernières à l’éducation ainsi que leur droit à la sécurité et la sûreté. En résumé, ces pratiques menacent non seulement les droits de la femme, mais aussi les droits humains. Comment y remédier? Une révision et un renforcement des lois s’imposent. Rappelons que le harcèlement sexuel est reconnu par le code du travail comme une faute grave et comme un crime par le droit pénal.

Pour conclure, la militante met la lumière sur trois volets pour la protection des étudiantes. Il s’agit, premièrement, de l’obligation de voter pour des lois pénalisant le harcèlement sexuel sous toutes ses formes, dans les espaces publics comme dans les espaces privés. Ensuite, les politiques publiques devront mettre en place des mécanismes de suivi et d’orientation pour les étudiantes. Dernier et plus important point: une prise en charge psychologique pour les étudiantes devra être mise en place.

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