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Le grand remplacement… du français par l’anglais au Maroc, et si on en parlait?

Le grand remplacement… du français par l’anglais au Maroc, et si on en parlait?

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Des voix s’élèvent pour demander que l’anglais remplace le français en tant que première langue étrangère au Maroc. Est-ce réaliste? Un expert nous répond.

Molière Vs Shakespeare. Le combat est lancé. L’engouement des Marocains pour l’anglais est aujourd’hui visible partout. Dans la musique, la pub, dans le parler, sur les réseaux sociaux, etc., la langue de Shakespeare est très utilisée, notamment par les jeunes. C’est la langue des branchés, des gens «cool», des gens modernes, de la «street», mais pas seulement. Certaines institutions, surtout dans le sport, font désormais leurs publications sur les réseaux sociaux en anglais.

In English please!

L’anglais gagne également de plus en plus de place dans l’enseignement. Outre la mission britannique et le réseau des écoles américaines au Maroc, plusieurs établissements d’enseignement supérieur, dont certains très réputés, ont carrément opté pour des programmes entièrement en anglais. L’université Al Akhawayn et l’ESCA Ecole de management sont des exemples parmi d’autres. Et ne parlons même pas du nombre grandissant des «langue schools» à travers le royaume.

Mais au Maroc, l’anglais est partout et nulle part à la fois. Bien qu’il soit très prisé, surtout auprès de la jeune population – la fameuse «génération MBC» (du nom du réseau de chaînes télé qui diffusent des programmes et films en anglais et sous-titrés en arabe), c’est le français qui reste la principale langue étrangère dans le royaume, supplantant même l’arabe dans certaines familles. Dans les affaires, de même qu’au sein des élites marocaines, la maîtrise de la langue de Molière est un must.

Ainsi, le français et l’anglais se disputent le cœur des Marocains, respectivement comme première et deuxième langues étrangères. Mais des voix s’élèvent pour changer cela. Des étudiants marocains ont lancé sur les réseaux sociaux, il y a quelques semaines, une campagne pour faire de l’anglais la première langue étrangère, notamment dans l’enseignement supérieur.

Les hashtags «#No_To_French_Yes_To_English» et «#YesToEnglishInsteadOfFrenchInMorocco» sont ainsi nés. Pour les auteurs de cette campagne adressée aux autorités, l’usage de l’anglais présente plus d’avantages que le français. Un de leurs principaux arguments: la majorité des ouvrages et des recherches scientifiques sont publiés en anglais, et il serait très bénéfique de maîtriser cette langue.

Le British Council a d’ailleurs mené, en avril dernier, l’étude «Shift to English in Morocco» auprès de plus de 1.200 Marocains de 15 à 25 ans. Pour 74% des répondants, le passage à l’anglais aidera le royaume à devenir une plaque tournante internationale des affaires et du tourisme. Cette langue représenterait également un grand avantage dans leurs aspirations scolaires et professionnelles. Aussi, 85% des participants à l’étude prédisent une augmentation du nombre de jeunes Marocains parlant anglais au cours des 10 prochaines années.

Le Maroc sur la bonne voie

De son côté, le ministre de l’Education, Saaïd Amzazi a expliqué que le royaume ne peut effectuer un tel changement maintenant, car la quantité de professeurs d’anglais reste faible. Néanmoins, il est prévu de combler ce gap d’ici une dizaine d’années, a assuré l’homme d’Etat.

«Récemment, il y a une tendance et une volonté politique du Maroc pour se convertir vers l’anglais, c’est-à-dire utiliser de moins en moins le français au profit de l’anglais», confirme Dr Mohammed Boukardi, président de l’Ecole Supérieure Marocaine de Traduction et d’Interprétariat (ESMTI), à Ni9ach21. Selon lui, «l’objectif est que l’anglais soit beaucoup plus utilisé, que ce soit au niveau des études ou d’autres objectifs, mais aussi au niveau de la communication internationale».

Pourquoi une telle orientation? «Mon avis est que depuis l’indépendance, il y a eu l’utilisation de la langue française, et avec la conjoncture internationale et la formation de nouveaux pôles économiques à l’échelle mondiale, le Maroc veut se démarquer par rapport à cette langue qui est déjà un acquis», observe Boukardi, pour qui «c’est une très bonne chose, car la francophonie commence à s’essouffler».

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Dr Mohammed Boukardi. Crédit: DR

Ainsi, l’expert en traduction et en interprétariat estime que le Maroc ne fait que prendre le bon train. Et cela se voit au niveau des institutions. Par exemple, rappelle-t-il, l’Enseignement supérieur a lancé le bachelor (système anglo-américain) dès cette rentrée universitaire, dans l’objectif qu’il remplace à terme le LMD (Licence-Master-Doctorat). 23.367 étudiants s’y sont inscrits, selon le ministère.

Le remplacement réaliste?

Concernant un éventuel remplacement du français par l’anglais comme première langue étrangère au Maroc, Boukardi répond: «Je vois mal comment on pourrait remplacer d’un coup une langue qu’on a utilisée durant plusieurs décennies. Le français va rester la première langue du pays.» Il préfère parler de donner plus d’importance à la seconde langue, ce qui va se faire «doucement mais sûrement».

Boukardi élabore: «Le Maroc se tourne davantage vers l’Angleterre, vers les Etats-Unis. Des pôles sont donc en train de se former, que ce soit au niveau géostratégique ou celui des intérêts économiques.» Bien que le Maroc soit  l’un des meilleurs partenaires de l’Union européenne dans la région, «il a été dernièrement mal servi et en a tiré des leçons», ajoute-t-il.

Enfin, revenant sur l’intérêt grandissant des jeunes Marocains pour l’anglais, Boukardi remarque que «cela n’est pas venu comme ça». Les jeunes sont bien informés de ce qui se passe dans le monde, de la conjoncture. Ils sont donc «conscients qu’ils ont beaucoup plus à gagner en optant pour l’anglais, que ce soit dans leur formation, leur cursus universitaire, ou leurs démarches à titre personnel, commercial ou autre», résume notre expert.

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