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Islam: guerre ouverte entre le CFCM et le ministre français de l’Intérieur

Islam: guerre ouverte entre le CFCM et le ministre français de l’Intérieur

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Suite à des propos du ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, sur la «mort» du Conseil français du culte musulman, principal interlocuteur des pouvoirs publics pour le culte musulman en France, le président de cette institution a tenu à faire une mise au point.

Invité dimanche dernier à l’émission «Le Grand Jury RTL- Le Figaro- LCI», le ministre français de l’Intérieur et des cultes, Gérald Darmanin, a annoncé que le Conseil français du culte musulman (CFCM) n’est plus l’interlocuteur des pouvoirs publics français. «Aujourd’hui, le CFCM, c’est-à-dire la représentation de l’Islam consulaire (les Marocains, les Algériens…) est mort. Le CFCM pour les pouvoirs publics, pour la république française n’existe plus, n’est plus leur interlocuteur», a-t-il lâché.

La charte de la discorde

Actuellement présidé par le Franco-Marocain Mohammed Moussaoui, le CFCM était en effet considéré jusqu’ici comme le principal interlocuteur des autorités françaises pour tout ce qui a trait au culte musulman. Mais, comme l’a expliqué Darmanin, Emmanuel Macron «a voulu mettre fin à l’Islam consulaire et être clair avec les islamistes, (…) en faisant signer une charte qui reconnait des valeurs fondamentales pour la République». Trois fédérations au sein du CFCM – l’association Millî Görüs, le Comité de coordination des musulmans turcs de France et le mouvement Foi et Pratique – ont refusé de signer le document visant, selon le responsable gouvernement, à «lutter contre séparatisme».

Pour cette raison, «nous ne parlons plus institutionnellement à ces trois fédérations. Et donc, le CFCM (…) n’est plus notre interlocuteur», a poursuivi Darmanin, ajoutant que les pouvoirs publics vont travailler à «une nouvelle organisation de l’islam de France». Avec «ceux qui veulent travailler pour la République et qui acceptent l’idée de cette charte». Ainsi, Emmanuel Macron devrait organiser, fin janvier, un «Forum de l’Islam de France» avec «ces personnes qui n’ont pas de liens avec l’islam consulaire, avec l’islam de l’étranger», a ajouté le ministre.

Le CFCM a réagi dès le lendemain. Dans un communiqué, Mohammed Moussaoui a affirmé que la déclaration de Darmanin «n’est pas acceptable ni sur la forme ni sur le fond», ajoutant que «des propos de cette gravité ne peuvent être tenus par un ministre de la République dans un langage approximatif, au détour d’une réponse à une question d’un journaliste». Il a ainsi dénoncé la rupture unilatérale du dialogue entre les pouvoirs publics et son instance, qui n’a d’ailleurs «jamais» été notifiée à ce sujet.

«Une action préjudiciable à tous»

Toujours dans le communiqué, Moussaoui a souligné que «le CFCM est toujours le représentant du culte musulman devant différentes commissions nationales et européennes et auprès des autres cultes» et qu’il «continue de désigner les aumôniers et de saisir les pouvoirs publics sur différentes questions liées au culte». Ceci, en plus de représenter le culte musulman dans toutes les cérémonies officielles.

Moussaoui a également rappelé que «c’est au sein du CFCM que la charte des principes pour l’islam de France a été rédigée», de même que «les textes fondateurs du projet du Conseil national des imams», notant, au passage, que «malgré la faiblesse de ses moyens et les tentatives de déstabilisation dont il a été victime, le CFCM a tenu bon». Ainsi, «l’annonce faite par le ministre de l’Intérieur n’est pas justifiée et est en rupture totale avec les règles et usages en vigueur dans un État de droit comme le nôtre», a observé le président du CFCM.

«Cette Charte a été rédigée par l’ensemble des huit fédérations composant le CFCM et elles en sont les auteurs», a poursuivi Messaoui, indiquant que «les trois fédérations non signataires pour le moment en font partie». Et à propos de celles-ci, le Franco-Marocain a précisé qu’«elles ont montré leur bonne volonté de vouloir avancer sur le sujet de la Charte en demandant à plusieurs reprises, et notamment encore la semaine dernière, une audience auprès du ministre de l’Intérieur et elles attendent toujours une réponse de sa part».

Moussaoui a souligné qu’«une représentation des musulmans de France serait contraire au fondement laïc de la République et un glissement vers un communautarisme qui ne dit pas son nom», relevant que le CFCM a été créé pour représenter le culte musulman en France et non les musulmans de France. En d’autres termes, «toute action du gouvernement qui crée le vide institutionnel en matière de dialogue avec le culte musulman ne peut être que préjudiciable à tous».

Pour Moussaoui, le concept de l’«islam consulaire» et des imams détachés (évoqué par Darmanin), «par son imprécision et son évocation à géométrie variable», ne permet pas de voir de manière claire la coopération, pourtant officielle, entre la France et certains pays étrangers, notamment le Maroc, l’Algérie et la Turquie, en matière de culte. Néanmoins, s’il reconnait que le contexte actuel impose de nouvelles façons d’agir, à commencer notamment par la création le 9 janvier prochain du Conseil national des imams, Moussaoui soutient que son instance «déplore cette nouvelle gestion des rapports avec le culte musulman hors du cadre juridique qui régit les rapports de l’État avec les cultes».

A qui profite le crime?

La guerre est donc ouverte. Le ministre français de l’Intérieur et des cultes a décrété, pour des raisons loin d’être convaincantes et sans aucune notification, la mort du CFCM, qui n’entend pas se laisser faire. Mais, cette mesure des autorités françaises ne cacherait-elle pas d’autres ambitions? En effet, écarter l’organe officiel chargé d’organiser les relations entre les pouvoirs publics et les représentants du culte musulman en France, et ce, depuis plusieurs années, reviendrait à bouleverser toute l’organisation de l’islam en France.

L’on ne peut, non plus, s’empêcher de se demander si cette décision ne sert pas les intérêts de l’«ennemi juré» du CFCM, à savoir la Grande Mosquée de Paris. Rappelons que cette dernière, dont l’obédience à Alger n’est un secret pour personne, avait vivement dénoncé sa non-invitation à la cérémonie de commémoration du 103e anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918, alors que Moussaoui a eu droit à une place à la tribune présidentielle, aux côtés des VIP invitées par Emmanuel Macron, notamment la vice-présidente américaine Kamala Harris…

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