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Interview. Dr Tayeb Hamdi: « Comment le gouvernement peut se rattraper sur le pass vaccinal »

Interview. Dr Tayeb Hamdi: « Comment le gouvernement peut se rattraper sur le pass vaccinal »

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Rumeurs sur les risques liés à la troisième dose de vaccin anti-Covid, marches anti-pass vaccinal à travers le Maroc, faux-pas du gouvernement… Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, brise les tabous autour de la vaccination anti-Covid.

Ni9ach21: Des rumeurs courent à propos de risques concernant la 3e dose du vaccin anti-Covid. Qu’en est-il?

Dr Tayeb Hamdi: Ces craintes sont infondées. Une étude réalisée par la Center for Disease Control and Prevention (CDC), plus haute autorité de santé des Etats-Unis, sur une large population ayant reçu la 3e dose, a montré que les effets indésirables sont similaires à ceux de la 2e dose. Si on parle de protection, on sait que la 3e dose renforce la production des anticorps d’une manière importante. Une étude israélienne a montré que les personnes qui ont reçu la 3e dose ont 3 fois moins de Covid-19 et 5 à 6 fois moins de cas d’hospitalisation et de décès par rapport aux personnes doublement vaccinées. Sur le registre de l’efficacité et des effets indésirables, les preuves sont là.

Certains pays parlent d’une 4e dose. A-t-on des raisons d’avoir peur concernant la maîtrise de cette maladie?

Non, pas du tout. En Israël et aux Etats-Unis, une 4e dose a été préconisée pour un groupe de personnes très restreint: les personnes transplantées, celles qui ont reçu des dons d’organes, qui sont sous dialyse, qui ont le Sida, etc. On sait que ces personnes ont une réaction très faible au vaccin. Cette catégorie a même reçu la 3e dose très vite, plutôt qu’après les six mois indiqués, car la balance bénéfice-risque n’a pas besoin d’étude. Pour celle-ci, les deux pays ont envisagé la 4e dose 6 mois après la 3e.

Pour les autres couches, il n’en est rien. Les experts s’accordent à dire qu’avec un régime standard de trois doses, l’immunité acquise reste forte et protège pendant des années.

Des manifestations ont eu lieu dimanche dernier à travers le royaume pour s’opposer au pass vaccinal. Votre avis?

Je suis pour la vaccination accélérée, car la vaccination n’a de sens dans un contexte pandémique que si on a deux paramètres. Premièrement, il faut faire vite, et deuxièmement, il faut vacciner massivement. Si on vaccine 50% de la population, alors on n’a rien fait. Si on vaccine toute la société mais sur plusieurs années, avant d’atteindre le dernier vacciné, de nouveaux variants auront émergé. Alors, une fois de plus, on n’aura rien fait.

J’avais appelé à l’adoption pass vaccinal bien avant la décision du gouvernement, car il a un grand rôle à jouer pour freiner le virus et inciter la population à se faire vacciner. Maintenant, les autorités pouvaient-elles faire mieux? Je pense que oui. J’avais appelé à ce que l’annonce de l’instauration du pass vaccinal soit faite bien avant sa mise en application. Par exemple, trois ou quatre semaines avant. Pourquoi cela n’a-t-il pas été fait? Pourquoi le gouvernement a-t-il fait aussi vite? Je ne saurais répondre.

Deuxièmement, on pouvait procéder doucement dans certains endroits et voir l’évolution non seulement de la pandémie mais également de la vaccination. Parce qu’en fin de compte, on veut deux choses: protéger la population et l’inciter à se faire vacciner. Et pour l’inciter, il faut aller en douceur. On a lancé la vaccination au Maroc avec une symbiose entre la population et l’Etat, avec une confiance de la population dans la décision du roi. Il ne faut pas gâcher cela. Il faut garder cette confiance, car elle est primordiale et nécessaire pour la suite de la riposte contre la pandémie. Il ne suffit pas d’avoir une quantité suffisante de vaccins pour réussir sa campagne de vaccination. La Russie en est un très bon exemple.

Comment le gouvernement pourrait-il rectifier le tir?

Le gouvernement a déjà fait preuve de souplesse en rendant le pass vaccinal disponible dès la 1re dose. Les autorités auraient pu annoncer la date de l’entrée en vigueur du pass vaccinal quelques semaines avant. Mais maintenant que c’est déjà annoncé et en application, il faudrait assurer une certaine souplesse pendant deux à trois semaines. Par exemple, dans certains cafés, restaurants et autres activités non essentielles. Même les administrations n’ont pas arrêté de fonctionner. Nous n’avons en effet pas entendu parler de fonctionnaires empêchés de travailler parce qu’ils n’auraient pas pu se faire vacciner à temps. Il y a donc une certaine souplesse, mais il faudrait la structurer et l’officialiser. Plus on est rigide, plus la population croit qu’on lui inocule des choses malgré elle. Donc il y a plus de soupçons. Mais plus on explique, plus on laisse de libertés, plus la population adhère.

Ceci dit, il faut reconnaître que la campagne de vaccination accusait un ralentissement. Alors on ne pouvait pas se payer le luxe d’attendre 10 ans pour que les gens aillent se faire vacciner. Il fallait faire quelque chose. D’ailleurs, depuis l’instauration du pass vaccinal, on assiste à une multiplication par 4 à 5 du nombre de vaccinations par jour.

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