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Harcèlement, moqueries, bullying… Même les candidates aux élections n’y échappent pas

Harcèlement, moqueries, bullying… Même les candidates aux élections n’y échappent pas

De nombreux internautes se permettent encore de publier des images de femmes à caractère sexuel. Un phénomène qui n’épargne pas même les candidates aux prochaines élections.

 

Les élections législatives, régionales et communales se tiendront le 8 septembre prochain au Maroc. Mais depuis le lancement de la campagne électorale, le 26 août dernier, de nombreuses candidates sont victimes de cyberharcèlement et de cybersexisme. Non pas à cause des idées qu’elles défendent, mais simplement parce qu’elles sont des femmes.

«Si les photos des candidates, qu’elles soient laides ou belles, jeunes ou veilles, avaient été affichées depuis cinq ans, ce problème n’aurait jamais au lieu, car la mentalité masculine les aurait acceptées. Mais pour la plupart, il s’agit d’un fait soudain», explique Mohamed Almou, avocat au barreau de Rabat, au micro de Ni9ach21.

Les partis politiques responsables?

Pour Almou, les partis politiques soutiennent et perpétuent le patriarcat. En effet, poursuit-il, «ils excluent les femmes de la scène politique, et elles n’apparaissent en nombre que lors des campagnes électorales».

Egalement interrogée par Ni9ach21, Zainab Ihsan, secrétaire générale de la jeunesse du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste, estime que la diffusion de photos de candidates sur les réseaux sociaux est une sorte de «harcèlement sexuel électronique». «Nous vivons toujours dans une société qui maltraite la femme, alors qu’elle doit être évaluée en fonction de son programme électoral et de son efficacité, et non sa physiologie», déplore-t-elle.

«A l’instar de l’homme, la femme ne compte pas sur son corps pour se présenter aux élections. Quelles que soient ses formes, cela ne devrait en aucun cas affecter le programme du parti au nom duquel elle se présente», insiste Ihsan, ajoutant qu’«il y a un problème dans l’application des lois qui protègent les femmes marocaines contre toutes les formes de harcèlement».

Dans le même contexte, Almou critique les partis politiques qui ne choisissent pas des femmes candidates pour leurs compétences et leurs expériences. «Au contraire, à l’approche des élections, ils recrutent des femmes sur la base d’autres critères tels que leur proximité avec un tel membre du parti, ou parce qu’elles ont de l’argent, ou parce qu’elles sont capables d’attirer des voix».

L’avocat dénonce également «des publications de partis politiques qui offensent davantage les femmes en mettant les noms des candidates sur les listes sans mettre leur photo, ou en rendant leur photos plus petites que celle du représentant de la liste». Pour lui, il faut respecter l’intelligence du citoyen en lui présentant l’identité complète du candidat, «afin qu’il ne vote pas pour un fantôme».

Un harcèlement est un harcèlement!

Le harcèlement est passé de la place publique au monde virtuel. «Un certain nombre de publications ont une connotation sexuelle, et les partis politique sont responsables», observe Almou. En effet, outre le fait que certains partis «meublent» leurs listes avec des femmes, ce qui a mené même des femmes au foyer à se présenter aux élections, «les partis politiques exploitent les femmes et leurs corps». C’est ainsi que plusieurs candidates ressemblent à des top-modèles, ajoute l’avocat au barreau de Rabat.

Zainab Ihsan se demande, à son tour, «pourquoi lorsqu’un homme se présente aux élections, on ne voit pas des commentaires accablants qui le chosifient». Et si elle reconnaît qu’il y a un effort réel de l’Etat pour promouvoir la participation politique de la femme, un grand problème de mentalité persiste toujours: «Certains hommes ne voient la femme que dans la cuisine».

L’intervenante note également que «de plus en plus d’hommes soutiennent et défendent la participation politique des femmes, mais d’autres ne la prennent pas au sérieux et se donnent, ainsi,  le droit de commenter leurs apparences».

Chercheuse en sciences politiques, Asma Mehdioui, estime, elle, que les commentaires sur les photos des candidates peuvent être divisés en deux catégories. Elle explique: «La première constitue une sorte d’humour politique, tandis que la seconde, la plus négative et dangereuse, concerne l’exploitation des femmes pour des fins politiques, en faisant circuler leurs images d’une manière inappropriée pour la propagande électorale».

Que dit la loi?

«En tant que candidate, j’ai fait l’objet de harcèlement, souvent de la part de politiciens. La prochaine fois, je déposerai plainte, et j’invite toutes les femmes à faire pareillement», nous confie Ihsan, ajoutant que «ce phénomène peut être considéré comme un harcèlement fondé sur le genre, qui nuit à la dignité des femmes. Elles méritent d’être traitées sur le même pied d’égalité que les hommes, car il n’y a aucune différence entre les deux en termes de droits et de devoirs.»

«Les images de candidats utilisées dans les publications de propagande sont soumises à des règles personnelles et confidentielles. Tout le monde peut les republier, et le citoyen a le droit de les commenter comme il veut, mais quand il s’agit d’insultes ou des propos inappropriés, la loi sanctionne», tranche, de son côté, Almou.

Pour sa part, Mehdioui confirme que «l’exploitation négative des images de femmes candidates par des internautes est une crise de mentalités. D’une part, c’est un crime contre ces femmes, et, d’autre part, un crime contre l’image de la femme marocaine».

En vigueur depuis le 12 décembre 2018, la loi contre les violences faites aux femmes ne répond donc pas aux aspirations tant souhaitées, notamment l’incrimination du cyberharcèlement. De la même manière que l’exploitation de symboles religieux dans la campagne électorale est interdite, la loi doit punir l’exploitation honteuse de l’image de la femme lors de la campagne électorale.

 

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