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Elections: les partis enfreignent-ils la loi sur la protection des données personnelles?

Elections: les partis enfreignent-ils la loi sur la protection des données personnelles?

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De nombreux électeurs ont indiqué sur les réseaux sociaux avoir reçu, ces derniers jours, des SMS de la part des formations politiques concernant les élections du 8 septembre prochain, sans leur consentement.

Dans le cadre de la campagne électorale, ouverte depuis le 26 août dernier, de nombreux internautes se plaignent d’avoir reçu des appels et des messages de la part des partis politiques, les encourageant à se renseigner sur les programmes électoraux. Cette nouvelle méthode de démarchage politique est-elle conforme à loi sur la protection des données personnelles?

Des dizaines d’électeurs ont reçu, au cours de cette semaine, un appel, un message, ou un e-mail d’un parti donné. «Le parti XX vous présente les axes de son programme national pour la période 2021-2026, s’articulant autour d’engagements clairs et exécutoires. Pour plus d’information, veuillez consulter le lien suivant…#Restons en contact, nous respectons votre choix: lien», peut-on lire dans les messages (galerie ci-dessous).

 

Ces révélations montrent que les partis politique, pourtant censés donner l’exemple, sont les premiers à enfreindre la loi, notamment celle relative à la protection des personnes physiques, à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

Une donnée personnelle est toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable, directement ou indirectement. Elle peut être un numéro de téléphone, une adresse mail, un nom, une photo, un numéro de sécurité sociale, une adresse IP, un identifiant de connexion informatique… Ainsi, l’utilisation de données à caractère personnel à travers des appels, des SMS ou des messages WhatsApp à des fins politiques soulève des enjeux juridiques forts du point de vue de la réglementation relative à la protection des données personnelles.

Que dit la loi?

La crise sanitaire actuelle et les mesures de restrictions qui en découlent ont poussé les formations politiques à se rabattre sur un autre terrain que l’espace public. D’ailleurs, de nombreuses formations ont créé des pages Facebook, des sites internet… afin d’attirer le plus grand nombre d’électeurs. Ceci, bien avant le démarrage de la campagne électorale qui prendra fin dans une semaine.

La législation marocaine est particulièrement stricte quant aux conditions dans lesquelles un traitement de données relatives au cadre personnel peut être mis en œuvre. De fait, les pratiques de démarchage électoral observées ces derniers jours mettent en évidence les progrès qu’il reste à accomplir en matière de protection des données au niveau électoral.

D’ailleurs, au Maroc, les données personnelles font partie de la sphère de la vie privée, dont la protection est un droit fondamental, encadré constitutionnellement. En effet, l’article 24 de la Constitution dispose que: «Toute personne a droit à la protection de sa vie privée».

Aussi, la loi n° 09-08 définit, dans son article premier, les données à caractère personnel comme étant «toute information de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, concernant une personne physique identifiée ou identifiable».

A son tour, la loi n° 57-11 relative à l’utilisation des moyens audiovisuels publics lors des campagnes électorales et référendaires stipule, dans son article 118, que «les programmes de la période électorale, ainsi que les émissions préparées pour la campagne électorale ne doivent en aucun cas comporter des matières susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine, à la vie privée ou manquer au respect dû à autrui.»

La réglementation relative à la protection des données à caractère personnel a été conçue autour de l’obligation de respecter les règles en matière de protection des données personnelles. Ainsi, pour se conformer à la loi, les partis, dans leur communication politique, doivent, avant d’appeler ou envoyer un message à un électeur, recueillir le consentement de ce dernier. Chose qui n’est pas faite, malheureusement.

Le consentement pour ne pas tomber dans l’illégalité

Il s’agit là d’une obligation qui découle du droit des personnes concernées à la protection de leurs données personnelles et d’un préalable indispensable à tout traitement envisagé. Le consentement est une manifestation de volonté libre, directe, claire, spécifique et informée, par laquelle la personne concernée accepte que les données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement, notamment son numéro de téléphone.

En outre, conformément à l’article 4 de la loi n° 09-08, le traitement des données à caractère personnel ne peut être effectué que si la personne concernée a indubitablement donné son consentement à l’opération ou à l’ensemble des opérations envisagées.

Les infractions et les sanctions

Les partis politiques, à travers les appels et l’envoi de SMS, ont procédé à un traitement sans l’autorisation ou la déclaration exigée des électeurs. Ce qui est un fait constituant d’après la loi 09-08. De ce fait, les personnes physiques qui se considèrent «victimes» d’une atteinte à leurs données personnelles peuvent adresser leurs plaintes à la police judiciaire ou aux agents de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), qui sont habilités à rechercher et à constater les infractions. Les procès-verbaux rédigés à ce titre sont ensuite transmis au procureur du roi. Il faut noter que les victimes peuvent également adresser leurs plaintes à ce dernier.

Les sanctions varient selon qu’il s’agit d’une personne physique ou une personne morale. Pour les personnes physiques, la peine peut aller de 3 mois à 2 ans de prison, et une amende de 10.000 à 300.000 dirhams. Ces sanctions peuvent être portées au double en cas de récidive.

Lorsque l’auteur de l’infraction est une personne morale, et sans préjudice des peines qui peuvent être appliquées à ses dirigeants, les peines d’amende sont portées au double. La personne morale peut voir ses biens confisqués et ses établissements fermés.

L’heure est donc plus que jamais au respect de la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel et à l’appel à la vigilance individuelle afin que chacun des acteurs concernés contribue au fonctionnement vertueux du processus électoral.

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