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«Gilets jaunes» à Rabat: l’arbre qui cache la forêt

«Gilets jaunes» à Rabat: l’arbre qui cache la forêt

L’exaspération des automobilistes rbatis ne cesse de grandir face à l’exercice du gardiennage de voitures par certaines personnes non autorisées. Une situation qui pousse à s’interroger sur comment cette activité est gérée par les autorités. Entre les entreprises privées, semi-publiques, ou encore les personnes physiques autorisées, Ni9ach21 a décidé de mettre sous la loupe Rabat Parking, société concessionnaire du stationnement dans la capitale.

A Rabat, la campagne de boycott contre les «gilets jaunes», ces gardiens de voitures qui n’ont pour unique lien avec le célèbre mouvement de contestation en France que la couleur de leur «tenue» de travail, se poursuit. Entretemps, Rabat Parking, la société déléguée par la commune pour régler le problème du stationnement au sein de la capitale, remplit difficilement sa mission. Pis, la société, qui doit générer de la richesse pour la commune, aurait plutôt cumulé des pertes de plusieurs millions de dirhams.

Filiale de la Compagnie générale des parkings, qui est à son tour une filiale du groupe CDG, Rabat Parking est une société de développement local (SDL). Selon l’article 130 de la loi organique 113-14 relative aux communes, la SDL est une société anonyme dont au moins 34% du capital est détenu par la commune, et 50% de ce capital doit être détenu par des personnes morales de droit public. Limitée aux «activités à caractère commercial et industriel entrant dans les champs de compétence de la commune», la SDL constitue un véritable organe d’exécution des projets de développement local de la commune.

Coup de sabot

Quant à Rabat Parking, elle a été créée en partenariat avec la Commune de Rabat afin de régler les questions de stationnement dans la ville. Cela, à travers la mise en place de zones de stationnement réglementées par horodateur ainsi que l’aménagement et l’exploitation de parkings clos. Cependant, loin d’honorer ses promesses de départ, la société est en crise financière depuis plusieurs années. Notamment, l’interdiction de la pose de sabot, prononcée par la justice en 2015, a infligé à Rabat Parking des pertes de plus de 7 millions de dirhams au cours des 4 dernières années. Selon le tribunal, la pose de sabot relève de l’ordre public, et ne peut être déléguée «à des personnes morales de droit privé, étant donné qu’elle est de la compétence exclusive de la police administrative communale».

Par ailleurs, le rapport annuel de la Cour des comptes au titre des années 2016 et 2017, plus précisément dans la partie de la Cour régionale des comptes de Marrakech-Safi, stipule que «l’application de l’amende (et ainsi la pose du sabot à ceux qui refusent de la payer) est considérée comme illégale, car ni le code de la route, ni la loi relative à la fiscalité des collectivités locales, ni le code pénal ou tout autre texte de loi ne stipule l’imposition de cette amende». Un verdict qui s’étend à tous les cas similaires.

La pose de sabot est interdite depuis plusieurs années. Crédit: DR

Pour le président du Conseil d’administration de Rabat Parking, Saâd Benmbarek, l’interdiction du sabot est une décision regrettable. «S’il n’y a pas une force contraignante, les gens ne vont pas payer. Ce qui représente des pertes énormes pour la société et pour les recettes de la municipalité», avait-il déclaré à la MAP en avril dernier. Et d’ajouter: «Si la capitale est, aujourd’hui, citée comme exemple en matière d’aménagement, d’urbanisme, de propreté et de fluidité de circulation, c’est, entre autres, grâce aux projets lancés pour organiser le stationnement.»

Un rapport accablant

Plus récemment, en mai dernier, le Conseil de la ville Rabat s’est penché sur le rapport de la Cour régionale des comptes de Rabat-Salé-Kenitra, lequel a pointé du doigt la mauvaise gestion de Rabat Parking. Selon la Cour, la SDL a vu son chiffre d’affaires passer de 21,5 millions de dirhams en 2014 à 14,1 millions de dirhams en 2018, soit une baisse de 37% en à peine 4 ans. Et malgré cette dégradation, la rémunération mensuelle du directeur général de la société est passée de 41.000 dirhams en 2012 à 86.000 dirhams en 2018, est-il noté.

Une zone horodateur à Rabat. Crédit: DR

Pour sa défense, le management de Rabat Parking attribue la cause de la baisse drastique de son chiffre d’affaires à l’arrêt de la verbalisation par le sabot. Non convaincue par cette explication, la Cour régionale des comptes tient la SDL pour unique responsable, lui reprochant de s’être contentée des ressources financières provenant du stationnement sur les voies publiques «au lieu de penser à d’autres alternatives à travers les parkings en ouvrage tel que prévu par les documents contractuels».

Plus généralement, le rapport de la Cour régionale des comptes de Rabat-Salé-Kenitra évoque la responsabilité de la Commune de Rabat concernant l’échec de la gestion du stationnement, car «aucun contrôle n’a été assuré par la Commune sur l’ensemble des parkings existants sur son territoire qui sont gérés par d’autres intervenants».

La polémique sur les «gilets jaunes» est certes problématique, mais le réel problème, à savoir l’organisation et l’assainissement du stationnement dans la capitale, semble, lui aussi, loin d’être réglé. La délivrance pourrait-elle venir d’une solution du «juste milieu», c’est-à-dire à travers la création de SDL qui emploient les gardiens et créent, par cette occasion, de la valeur ajoutée pour les collectivités territoriales?

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