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Amina Lotfi: « Le Code de la famille tel qu’il est appliqué aujourd’hui nuit aux femmes »

Amina Lotfi: « Le Code de la famille tel qu’il est appliqué aujourd’hui nuit aux femmes »

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L’Association démocratique des femmes du Maroc lance un nouvel appel pour une refonte du Code de la famille.

Selon l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), une réforme des politiques et des législations en matière des droits des femmes s’impose. L’objectif est d’harmoniser ces textes avec la Constitution de 2011 ainsi qu’avec les obligations internationales du Maroc en la matière. Dans un communiqué, l’association met ainsi l’accent sur la nécessité d’une refonte globale du Code de la famille, qui est « en contradiction avec certaines dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité et la non-discrimination ».

Il est temps de mettre fin aux injustices que subissent les Marocaines. Depuis la refonte de la Constitution en 2011, quelques contradictions entre les différents textes législatifs persistent. Par exemple, concernant les mariages des mineures, l’ADFM pointe du doigt la responsabilité des juges. A travers leurs mauvaises interprétations des textes, ces derniers ont joué un rôle important dans la prolifération de ce fléau.

L’association souligne également que l’article 16 du Code de la famille n’a fait qu’encourager la polygamie, car « il suffit de réciter la «Fatiha» pour enclencher le processus de reconnaissance du mariage ». Des milliers d’hommes ainsi ont profité de cette facilité pour épouser des filles de moins de 18 ans sans passer par les tribunaux.

Mais pour l’ADFM, la tutelle légale des enfants reste le plus gros sujet discriminatoire envers les femmes. Pour l’association, la notion d’«autorité partagée» n’existe même pas en droit marocain. Par exemple, en cas de remariage, la mère perd la garde de ses enfants. De plus, elle a souvent besoin de l’autorisation du père pour diverses procédures administratives (scolarisation, santé, voyages…). Au final, les enfants sont aussi victimes de ces lois discriminatoires.

Pour en savoir plus sur les revendications de l’ADFM, Ni9ach21 s’est tourné vers sa présidente, Amina Lotfi.

Ni9ach21: Pourquoi faut-il une refonte du Code de la famille?

Amina Lotfi: On s’est rendu compte, 17 ans après l’application du Code de la famille, que ce dernier avait beaucoup de lacunes, de défaillances et de contradictions aussi bien en termes de dispositions qu’en termes d’application. Il faut donc absolument l’harmoniser, d’une part, avec les dispositions constitutionnelles, et d’autre part, avec les engagements internationaux du Maroc concernant les droits des femmes et des filles.

La réforme du Code de la famille en 2004 était en quelque sorte très positive, car elle avait permis de remédier à plusieurs discriminations. L’un des plus grands acquis de cette réforme est le fait qu’il y est écrit, noir sur blanc, que les femmes et les hommes sont égaux en droits et en responsabilités. Sauf que le reste des articles et dispositions ne suivent pas. C’est donc là que réside cette contradiction, notamment au niveau de la polygamie et de la tutelle légale des enfants. L’application du Code de la famille telle qu’elle est faite aujourd’hui nuit aux femmes et à l’égalité.

Qu’en est-il de la lutte contre les mariages des mineures?

C’est un des gros problèmes de ce Code de la famille. Il existe deux articles complètement contradictoires. Le premier fixe l’âge du mariage à 18 ans, tandis que le second donne un pouvoir discrétionnaire aux juges. Ces derniers peuvent donc autoriser ou pas un mariage de mineures. Mais, ces dernières années, l’on a observé une recrudescence de ces mariages. Ce qui va à l’encontre de la convention relative aux droits de l’enfant, et à l’encontre de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations.

Egalement, les centres d’écoute reçoivent beaucoup de jeunes femmes qui se sont mariées à l’âge de 14-15 ans. Celles-ci se retrouvent souvent divorcées à l’âge de 17-18 ans et avec la responsabilité d’un ou de plusieurs enfants qui grandissent, dans la plupart des cas, dans la précarité. Cela nuit réellement au développement du royaume.

Qu’attend l’ADFM du nouveau gouvernement?

Nos attentes sont connues depuis plusieurs années. Nous attendons, d’abord, que le mécanisme de promotion et de protection des droits des femmes soit doté de toutes les capacités humaines et financières afin de remplir pleinement son mandat. Ensuite, quand on parle d’effectivité des droits des femmes et d’égalité, il s’agit de l’intégration de ce principe dans tous les programmes et politiques gouvernementaux. Pour ce faire, nous avons besoin d’un mécanisme fort qui assure une coordination intersectorielle.

Une stratégie globale de l’égalité est également demandée. En d’autres termes: des orientations stratégiques, des indicateurs, des résultats à atteindre… de manière à ce que les départements sectoriels (santé, éducation, agriculture…) puissent élaborer leurs propres stratégies d’égalité des genres à leurs niveaux respectifs. Nous souhaitons donc avoir des résultats dans les différents secteurs, avec des indicateurs qui soient parlants. Nous pourrions ainsi évaluer la progression ou le recul de l’égalité, ainsi que ses causes. Ce qui permettra de rectifier les politiques nationales et sectorielles.

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