En lecture
Tout ce qu’il faut savoir sur la crise en Afghanistan

Tout ce qu’il faut savoir sur la crise en Afghanistan

En à peine quelques jours, les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan. La situation est des plus inquiétantes au sein de la communauté internationale, mais aussi dans le pays, où l’on craint un retour au régime fondamentaliste qui a prévalu entre 1996 et 2001, lorsque le mouvement islamiste intégriste dirigeait le pays.

Kaboul est tombée. Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir par la coalition internationale menée par les États-Unis, les talibans sont entrés dimanche 15 août dans la capitale afghane et ont proclamé leur victoire depuis le palais présidentiel. Ceci, au terme d’une offensive d’une dizaine de jours seulement à travers le pays.

Le président afghan, Ashraf Ghani, actuellement en fuite à l’étranger, a reconnu dimanche la victoire des intégristes islamistes, obtenue «avec le jugement de leurs glaives et de leurs fusils», ajoutant qu’ils «sont à présent responsables de l’honneur, de la possession et de l’auto-préservation de leur pays». Il a néanmoins justifié sa fuite et celle de ses proches collaborateurs par le souci d’éviter un «bain de sang».

Addition salée

Tout est parti de l’annonce faite mi-avril dernier par le président Joe Biden du retrait définitif des troupes américaines présentes en Afghanistan, et ce, à partir du mois de mai. Quelques semaines plus tard, il confirmait la finalisation de ce retrait au 31 août 2021, soit avant le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, cause de l’intervention des États-Unis dans le pays.

En effet, l’addition a été salée pour les Etats-Unis: plus de 1.000 milliards de dollars dépensés dans l’équipement et la formation de centaines de milliers de soldats afghans, 2.448 soldats américains tués, 20.722 autres blessés et des milliers d’autres rentrés avec des traumatismes mentaux. Pour le successeur de Donald Trump, l’intervention américaine en Afghanistan a atteint ses objectifs, à savoir l’élimination d’Oussama Ben Laden et l’éradication de toute menace d’attaque menée sur le sol américain depuis l’Afghanistan.

Mais, dès l’annonce du retrait des forces américaine et celles de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, faite après plusieurs mois de discussions de Washington avec les autorités afghanes et les talibans, ces derniers se sont lancés à la conquête du pouvoir. Commençant par de vastes territoires ruraux, cette avancée s’est faite sans grande résistance, avant de s’accélérer au cours des dix derniers jours.

Fantômes du passé

Au lendemain de la prise du pouvoir par les talibans, la situation en Afghanistan est des plus incertaines. En plus des étrangers qui sont en train d’être rapatriés par leurs pays d’origine, de nombreux Afghans tentent désespérément de quitter le pays. Ceux-ci craignent un retour au régime fondamentaliste qui a prévalu entre 1996 et 2001, lorsque les talibans dirigeaient le pays.

Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux témoignaient du chaos, montrant des milliers d’Afghans qui bataillaient pour accéder aux avions. Face à cette situation, l’autorité aéroportuaire de la ville a décidé d’annuler tous les vols à partir de cet aéroport. Plusieurs heures après, les vols ont repris.

En effet, lorsqu’ils dirigeaient l’Afghanistan entre 1996 et 2001, les talibans ont imposé une version ultra-rigoriste de la loi islamique, en partie très liberticide envers les femmes. Celles-ci n’avaient, par exemple, pas le droit de travailler, ni d’étudier. En public, elles devaient obligatoirement porter le voile intégral (burka) et elles n’étaient autorisées à quitter leur domicile qu’en compagnie d’un chaperon masculin de leur famille.

Egalement sous ce pouvoir qui avait été reconnu par l’Arabie saoudite, les Emirats et le Pakistan, les crimes étaient punis conformément à la charia. Les flagellations et les exécutions, y compris les lapidations pour adultère, étaient pratiquées sur les places publiques et dans les stades.

Préoccupation internationale

La situation en Afghanistan a provoqué une chaîne de réactions à travers le monde. Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a annoncé le déploiement de 6.000 soldats américains «dans les prochains jours» à Kaboul pour sécuriser l’évacuation de quelque 30.000 personnes. Ce nombre inclut les diplomates et autres ressortissants américains ainsi que des Afghans qui ont aidé les Etats-Unis et qui craignent désormais pour leur vie.

Washington a également affirmé lundi que les Etats-Unis ne reconnaîtraient un gouvernement dirigé par les talibans qu’à condition que ces derniers respectent les droits des femmes et rejettent les terroristes. «Notre position vis-à-vis d’un quelconque futur gouvernement en Afghanistan dépendra du comportement de ce gouvernement», a déclaré à la presse le porte-parole du département d’Etat Ned Price.

Du côté allemand, Angela Merkel veut faire valider par le Parlement le déploiement de «plusieurs centaines de soldats» en Afghanistan pour évacuer les derniers Allemands ainsi que des Afghans menacés. La France, elle, a démarré lundi l’évacuation de ses ressortissants par l’armée française entre sa base aux Emirats et la capitale afghane. Dans un discours prononcé le même jour au soir, le président Emmanuel Macron a mis en garde les talibans contre le choix de «l’obscurantisme», notamment envers les femmes, sinon ils s’exposeraient à une «misère sans fin». Il a également appelé à «une réponse (internationale) responsable et unie» face à la situation en Afghanistan.

De son côté, l’Organisation des Nations unies a appelé le mouvement islamiste à «la plus grande retenue». Dans un communiqué, le Secrétaire général António Guterres s’est dit «particulièrement préoccupé par l’avenir des femmes et des filles, dont les droits durement acquis doivent être protégés». Réuni en urgence lundi, le Conseil de sécurité de l’organisation a, lui, demandé la cessation immédiate des violences en Afghanistan et l’établissement d’«un nouveau gouvernement qui soit uni, inclusif et représentatif».

Néanmoins, pour le groupe d’experts des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il est «inacceptable que les Etats restent spectateurs lorsqu’un groupe inscrit sur la liste des organisations terroristes du Conseil de sécurité des Nations unies envahit le territoire afghan et se livre à des actes qui peuvent s’apparenter à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité». Il a ainsi appelé le Conseil de sécurité à prendre «toute initiative nécessaire pour protéger les droits humains et les besoins humanitaires de la population afghane».

Trouble-fêtes ou visionnaires?

Alors que la majeure partie de la communauté internationale s’inquiète face à la situation en Afghanistan, deux puissances ont affiché une position plus ou moins inattendue. Il s’agit de la Russie et la Chine. Le premier pays a décidé d’attendre avant de se prononcer: «L’ambassadeur russe Dmitri Jirnov est en contact avec les talibans. [Mardi], il va rencontrer leur coordinateur pour la sécurité», a indiqué lundi l’émissaire du Kremlin pour l’Afghanistan, Zamir Kaboulov, ajoutant que «la reconnaissance ou non va dépendre des agissements du nouveau régime».

Quant à la Chine, elle, s’est montrée plus directe, indiquant qu’elle souhaite entretenir des «relations amicales» avec le nouveau pouvoir en Afghanistan. En effet, Hua Chunying, une porte-parole de la diplomatie chinoise, a affirmé devant la presse que son pays «respecte le droit du peuple afghan à décider de son propre destin et de son avenir». Notons que les deux pays sont liés par une frontière longue de 76 km.

Un autre soutien aux talibans est venu du sultanat d’Oman, précisément du mufti. La plus haute autorité religieuse du pays du Golfe a félicité mardi le peuple afghan «pour sa victoire contre les envahisseurs».

Qui sont les leaders des talibans?

Si les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan, l’on n’a pas vu leurs leaders dans l’enceinte du palais présidentiel à Kaboul. Qui sont les quatre figures qui se partagent le pouvoir des talibans? Tout d’abord, le mollah Haibatullah Akhundzada est le leader suprême du mouvement islamiste depuis mai 2016, année de la mort de son prédécesseur, Mansour, tué par une frappe d’un drone américain au Pakistan. L’autre leader, Sirajuddin Haqqani, est à la fois numéro 2 des talibans et chef du réseau Haqqani, qui est qualifié de terroriste par Washington. Vient ensuite le mollah Abdul Ghani Baradar, cofondateur des talibans avec le mollah Omar, décédé en 2013. Enfin, le fils du mollah Omar, Yaqoub, dirige la commission militaire des talibans, en charge des orientations stratégiques dans la guerre contre le gouvernement afghan.

© Africa Times All Rights Reserved. Terms of Use and Privacy Policy

Inscrivez-vous à notre newsletter

Rejoignez notre liste de diffusion pour recevoir nos dernières informations

You have Successfully Subscribed!