Dans un communiqué publié lundi, le ministère des Affaires étrangères de l’Allemagne a rappelé certaines de ses positions à l’égard du Maroc, notamment en rapport avec le Sahara marocain et le partenariat économique.
Cette sortie de la diplomatie germanique est loin d’être anodine, dans un contexte de gel diplomatique entre Rabat et Berlin depuis plusieurs mois. Que signifie ce changement soudain? S’agit-il d’une simple manœuvre diplomatique ou d’un véritable changement de position? Pour nous éclairer, Ni9ach21 a interrogé Abdelfattah El Belamachi, professeur de relations internationales à l’université Cadi Ayyad de Marrakech et président du Centre marocain de la diplomatie parallèle et du dialogue des civilisations.
Ni9ach21: Quelle lecture faites-vous du moment choisi par la diplomatie allemande pour produire ce communiqué?
Abdelfattah El Belamachi: Le choix du timing est d’abord le résultat des dernières élections législatives en Allemagne. Le nouveau chancelier allemand (Olaf Scholz, ndlr) est en relation avec les communautés étrangères résidant en Allemagne, et pendant la campagne électorale, il a promis de travailler pour protéger les droits de ces communautés et œuvrer au développement des relations avec leurs pays d’origine.
Cette nouvelle position, exprimée par le ministère allemand des Affaires étrangères sur son site officiel, représente indirectement une rétractation par rapport aux raisons évoquées précédemment par le ministère marocain des Affaires étrangères, et qui ont conduit à des tensions entre les deux pays. Du côté marocain, il n’y a pas eu d’actions concrètes mais juste des déclarations, car l’Allemagne a maintenu un niveau minimum de diplomatie dans ses relations avec le royaume.
Deuxièmement, on peut dire que ce timing est lié aux relations maroco-américaines et aux intérêts communs entre le Maroc et l’Allemagne. La reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur son Sahara a eu un impact considérable sur les équilibres régionaux actuels. Ainsi, peut-être que la nouvelle administration allemande a décidé que les intérêts communs nécessitent une sorte de relation positive avec le Maroc, notamment en reconsidérant les raisons qui ont conduit au gel des relations diplomatiques, dont sa position sur la question du Sahara.
Cependant, la nouvelle position allemande est inédite et elle est embarrassante pour les autres pays européens, notamment l’Espagne. En effet, il s’agit d’une déclaration unilatérale à travers laquelle le gouvernement allemand compte tourner la page du gel des relations bilatérales avec le Maroc.
S’agit-il d’une simple manœuvre diplomatique ou d’un véritable changement de position?
Tout ce qui est officiel a de la valeur. La position allemande n’est pas simplement une déclaration, mais une position officielle écrite et publiée sur un site officiel du gouvernement. Ce renouveau intervient dans le cadre de l’élection d’un nouveau gouvernement allemand et de nouvelles personnalités pour gérer la diplomatie allemande.
Quel sera l’impact sur le dossier du Sahara?
Aujourd’hui, la question du Sahara marocain se décline en deux volets. Un volet démocratique interne qui s’est cristallisé avec les élections du 8 septembre, le Nouveau modèle de développement et d’autres questions gérées dans le cadre constitutionnel.
Cependant, concernant le second volet, tant que la question du Sahara est une question internationalisée, les positions des pays qui ne font pas partie du Conseil de sécurité de l’ONU n’auront pas une très grande valeur. Mais on peut dire que de telles positions entérinent la légitimité du Maroc sur son territoire, et que les pays européens, malgré le manque de clarté sur leur position, comme c’est le cas avec l’Allemagne aujourd’hui, n’ont pas exprimé une position contraire à l’intérêt du pays.
C’est une chose positive, et elle pourrait être le résultat du récent discours royal, qui a mis en garde contre les positions ambiguës dans les relations et la coopération avec le Maroc. Peut-être que la diplomatie allemande a compris le message royal.
Faut-il comprendre que l’Allemagne met de côté son « pacte » avec l’Espagne contre le Maroc?
Il n’y a pas de lien, chaque relation est isolée. Mais l’essentiel, c’est le résultat: l’Allemagne a choisi les intérêts communs au lieu des tensions inutiles pouvant porter préjudice à ses intérêts face aux nouveaux équilibres représentés par le développement des relations maroco-américaines.
