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Enfants vs smartphones. Mohssine Benzakour: «La responsabilité ne revient pas qu’aux parents»

Enfants vs smartphones. Mohssine Benzakour: «La responsabilité ne revient pas qu’aux parents»

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Selon un nouveau rapport publié par Kaspersky et le cabinet Immersion, 9 enfants marocains sur 10 utilisent quotidiennement un smartphone et 68% disposent d’un appareil personnel.

Des chiffres alarmants, qui révèlent la forte dépendance de nos jeunes vis-à-vis de ces appareils. Et, évidemment, cette situation n’est pas sans conséquence à plusieurs niveaux: santé physique et psychique, éducation, relations familiales et sociales, cyberharcèlement, exposition à la cyberpédophilie, etc. Comment en sommes-nous arrivés là? Quelles mesures adopter pour redresser la barre? Comment contrôler ce phénomène? Au micro de Ni9ach21, le psychosociologue Mohssine Benzakour nous éclaire sur ce phénomène.

Ni9ach21: 9 enfants marocains sur 10 utilisent quotidiennenment les smartphones. Votre avis?

Mohssine Benzakour: Cela fait plus de deux décennies que j’en parle, et je m’attendais à ce que qu’on arrive à de tels chiffres. Deux facteurs y ont contribué. D’une part, on a introduit le smartphone dans la vie des enfants sans qu’il y ait une préparation préalable, sans accompagnement des parents. D’autre part, le ministère de l’éducation n’a pas encore réalisé que le virtuel fait partie intégrante de la vie des enfants. Il n’a jamais intégré dans ses programmes une matière sur comment se comporter face à internet.

Si rien n’est fait, à quelles conséquences nous exposons-nous?

Le changement c’est d’abord une décision politique et stratégique. Il faut en prendre conscience. Ce chiffre est parlant, mais ce qui est plus catastrophique, c’est quand on va dans les détails: on va des enfants de 8 mois aux adolescents. C’est l’anarchie totale. Tout aussi alarmant, c’est que l’utilisation du smartphone n’est pas toujours à bon escient. Et les conséquences sont là. Il y a une dégradation scolaire: au niveau de la présence, de la participation, au niveau des notes. Il y a une négligence des devoirs, il y a beaucoup de conflits dans la famille dus au téléphone et à la gestion du téléphone. La communication est presque inexistante. Aujourd’hui, on ne peut plus suivre son enfant, il n’y pas de contrôle parental, et ces chiffres l’on démontré.

Je reçois dans mon cabinet des cas d’enfants qui sont déjà addicts. En effet, le nombre d’heures d’utilisation des smartphones a augmenté. Outre les effets au niveau psychique, évoqués plus haut, le physique n’est pas épargné, avec des maux de tête, le manque de sommeil, l’anorexie… Et si on ne réagit pas, on se dirige vers l’aggravation de la situation. De plus, des données plus inquiétantes concernent le nombre de pédophiles qui augmente sur internet, ce qui représente un réel danger pour l’enfant, délaissé et face à lui-même sur le smartphone.

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Pr Mohssine Benzakour. Crédit: DR

Quelles mesures proposez-vous face à ce phénomène?

Il y a trois principes à adopter. Le premier: un enfant ne peut avoir son propre téléphone qu’à l’âge de 16 ans, parce que c’est l’âge où commence le pas vers la maturité et l’autonomie. Avant, il doit être sous la tutelle des parents, qui peuvent ainsi contrôler son utilisation du smartphone. Et cela pourrait être une monnaie d’éducation, comme l’argent de poche. De plus, il faut interdire les smartphone à l’école, car ils écrasent le corps enseignant qui n’arrive plus à gérer la situation.

Deuxièmement, pour les parents qui ne savent pas s’y prendre avec ces technologies, il faut créer un manuel pour les aider, pour pouvoir leur expliquer, parce que quand le parent n’a pas cette autorité scientifique, l’enfant lui manque de respect et ne va pas s’appliquer. Si on développe cette connaissance chez les parents, ils pourront donc faire ce suivi.

Troisièmement, la responsabilité ne revient pas qu’aux parents mais aussi à l’école. Il faut que le ministère de tutelle instaure un système d’enseignement concernant l’utilisation d’internet à partir de 10 ou 11 ans.

L’implication des parents reste donc primordiale…

Si le téléphone est confisqué à la maison et permis à l’école, le problème ne sera pas résolu. Donc, automatiquement, il faut qu’il y ait cette entente entre les parents et l’école pour pouvoir contrôler ce fléau. Je dis bien contrôler, car la technologie est là et continuera de se développer. Néanmoins, il faut savoir vivre avec, en restant un humain équilibré, un enfant qui sait faire la différence entre un passe-temps et un devoir, qui puisse accéder à son équilibre psychique et avoir un comportement adéquat.

Toutefois, il faut reconnaître que certains parents sont à jour au niveau technologique et arrivent donc à bien gérer le quotidien de leurs enfants face à la technologie. En effet, les 9 enfants marocains sur 10 ne sont pas tous dans le cas de la dégradation que j’ai évoquée plus haut. Il y a une minorité de parents qui maîtrisent cet outil et j’espère que les autres pourront suivre leur exemple.

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