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Covid-19: le Maroc est-il en train de changer de stratégie sanitaire?

Covid-19: le Maroc est-il en train de changer de stratégie sanitaire?

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La flambée des cas de Covid-19 ces derniers temps inquiète et sonne à nouveau le tocsin autour de la pandémie.

Changement du style de gestion de la crise pandémique, apparition de nouveaux variants du coronavirus, recul du respect des mesures préventives et des gestes barrières, saturation du système de santé dans de nombreuses villes, pénurie des médicaments entrant dans le cadre du protocole du traitement de la Covid-19… La situation est telle que l’on se demande si le Maroc a changé de stratégie sanitaire et opté au final pour la sélection naturelle?

Depuis quelques semaines, le Maroc fait face à une vague de contaminations sans précédent, au point d’atteindre 12.039 nouveaux cas le 4 août 2021, et 123 décès le 17 août dernier. Ainsi, la situation devient inquiétante, avec des taux de contaminations montant en flèche, tandis que le taux d’occupation des lits en services de réanimation est de 52%. Le seuil d’alerte fixé à 60% risque donc d’être atteint plus vite que prévu. Où va le Maroc et quelle est sa stratégie pour gagner la bataille contre le coronavirus?

Un modèle pour l’Afrique et le monde

Depuis l’enregistrement du premier cas du coronavirus, le 2 mars 2020, le Maroc a adopté une stratégie d’anticipation et de prudence face à la Covid-19. Un plan de riposte d’envergure a été mis en place pour lutter contre la propagation du virus, et faire face à l’impact économique et social engendré par la crise sanitaire mondiale, et ce, dès la déclaration de l’état d’urgence nationale, le vendredi 20 mars 2020.

Le royaume a également usé de tous les moyens pour renforcer la résilience des systèmes économiques et sociaux, tout en veillant à minimiser au maximum, les chaînes de contamination: confinement volontaire puis obligatoire, fermeture des écoles et des commerces non-nécessaires, verrouillage des frontières, interdictions des rassemblements…

Parallèlement, un fond spécial pour la gestion de la pandémie a servi à financer les dépenses du dispositif médical, à octroyer une indemnité aux salariés déclarés à la Caisse nationale de la sécurité sociale, en arrêt temporaire du travail, et aux ménages affilés au Régime d’assistance médicale. Ces mesures, combinées à la rapidité de la riposte, ont valu au pays d’être érigé en modèle dans la lutte contre la Covid-19, au sein, et en dehors du continent. Mais comment expliquer la recrudescence des cas constatée ces derniers jours?

Quelle est la meilleure stratégie?

A ce stade, il est à signaler que l’évolution de la pandémie se joue comme un match entre deux dynamiques: l’acquisition de l’immunité, d’une part, et la capacité du virus à muter, de l’autre. Dans cette optique, les pays ayant bien géré la pandémie ont adopté la stratégie dite de «zéro Covid», mais la suppression définitive de cette maladie, comme toute maladie infectieuse, relève, pour l’heure, de l’utopie.

En effet, à ce jour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a déclaré que deux maladies virales comme étant officiellement éradiquées: la variole et la peste bovine. Prenons l’exemple de la variole. Cette maladie ancienne, comparable à la Covid-19 en termes de répartition géographique et de portée, a créé, à elle seule, des épidémies tout au long de l’histoire, causant jusqu’à 500 millions de décès au 20e siècle, avant d’être éradiquée dans les années 1980.

Certes, un ensemble unique de circonstances a permis d’éradiquer la variole, principalement le développement d’un vaccin qui a coupé la transmission du virus, mais pour la Covid-19, les vaccins, développés dans un temps record, ne peuvent produire les mêmes effets. En effet, d’après David Heymann, professeur d’épidémiologie des maladies infectieuses à la London School of Health and Tropical Medicine, «les vaccins dont nous disposons aujourd’hui, dans certains cas, ne préviennent pas l’infection. Ils modifient simplement l’infection et rendent la maladie moins grave. Les personnes vaccinées peuvent toujours transmettre le virus à d’autres».

Ainsi, en fonction de ses objectifs, un Etat peut avoir le choix entre plusieurs stratégies de lutte contre la Covid-19. Que sont-elles?

La mitigation, l’atténuation ou «vivre avec la Covid»

Le terme mitigation signifie qu’on entreprend des actions visant à atténuer les effets du virus, sans pour autant l’éradiquer. Concrètement, il s’agit de tolérer un niveau élevé de la propagation du virus tout en protégeant les personnes les plus vulnérables. C’est la stratégie qui a été choisie par la France et le plus grand nombre des pays européens.

L’idée est simple: laisser circuler le virus, vacciner la population, maîtriser les décès avec des mesures peu contraignantes (gestes barrières, vaccination) et opter pour un confinement vigoureux lorsque les hôpitaux sont saturés. Inconvénients: le risque réside dans l’engorgement des systèmes de santé, et l’augmentation du nombre de morts causés par l’épidémie qui peut être extrêmement élevé et important.

L’éradication, la suppression ou «zéro Covid»

Cette stratégie consiste à éliminer le virus, et non à l’atténuer. Cette dernière a été mise avec succès dans de nombreux pays asiatiques tels que le Japon, la Chine, le Taïwan, ainsi qu’en Australie. Son indicateur est le taux des nouveaux cas enregistrés. Les pays qui ont adopté cette stratégie, ont fait appel à des mesures drastiques de limitation du virus, combinée à une vaccination massive pour atteindre l’immunité collective. Son impact humain et économique est réel, mais bref.

Cependant, sa très mauvaise acceptabilité par certaines populations la rend inapplicable dans certains pays. Inconvénients: cette stratégie a un coût social et un coût économique importants, qui pourraient impacter la santé et le bien-être des populations sur le plus long terme. De plus, si elle est mise en œuvre trop tardivement, la suppression peut ne pas suffire à empêcher la saturation des unités de soins intensifs, comme l’a démontré le cas de l’Italie.

L’endiguement ou «tester-tracer-isoler»

Il s’agit d’un panaché entre les stratégies du «zéro Covid» et «vivre avec la Covid». L’endiguement consiste à contenir l’épidémie. Le principe de cette stratégie vise le repérage d’un maximum de cas, puis leur isolation afin de stopper la propagation. Ses indicateurs sont: le nombre des cas de contaminations, la courbe des hospitalisations et les contaminations chez les personnes de plus de 65 ans.

L’endiguement se déroule en deux phases. Dans un premier temps, il faut maîtriser le seuil de contamination à moins de 5.000 cas par jour. Ensuite, il s’agit de maintenir le contrôle épidémique: ouverture-fermeture des frontières selon la situation épidémique, vaccination, limitation des contacts sociaux et mobilité.

Le combat contre le Covid-19 n’est pas encore fini, et le Covid ne partira pas. Certes, au Maroc, le nombre de personnes complètement vaccinées se rapproche des 13 millions, mais une chose est certaine: la vaccination, à elle seule, n’est pas suffisante pour mettre fin à ce cauchemar. De ce fait, n’est-il pas trop tard pour appliquer une nouvelle stratégie sanitaire au Maroc?

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