En lecture
Covid-19: les gouvernements changent, la cacophonie est la même

Covid-19: les gouvernements changent, la cacophonie est la même

A peine entré en fonction, le gouvernement Akhannouch brille déjà par une gestion et une communication qui laissent à désirer à bien des égards. Décisions hâtives, annonces la veille pour le lendemain, peu d’efforts de sensibilisation et d’accompagnement… la liste est étonnamment longue. Décryptage.

D’aucuns ont toujours en souvenir les décisions du gouvernement El Otmani, comme celle d’interdire la circulation entre les villes, prise la veille d’un Aïd el-Kébir, et qui s’est traduite non seulement par un chaos monstre sur les routes marocaines, mais aussi par des traumatismes qui ont bien entamé la confiance des Marocains en leur Exécutif. Et nombreux étaient ceux qui espéraient que le gouvernement allait, une bonne fois pour toutes, apprendre la leçon. Qu’il allait anticiper de telles situations, et éviter un tel niveau de précipitation qui casse et fracasse la gestion exemplaire menée par le pays dans la guerre contre le Covid-19 et ses effets sanitaires, économiques et sociaux. Que nenni.

Sitôt investi, le nouveau gouvernement commence (déjà) à réveiller les vieux démons de la cacophonie qui, à de nombreuses reprises, a failli torpiller la marche d’un pays qui, bien que manquant affreusement de ressources, a su se procurer les vaccins, les financer et assurer leur gratuité totale. Comptez 6 milliards de dirhams comme facture pour l’instant. Un pays qui a su trouver les voies et moyens de venir en aide aux plus vulnérables et qui a su mettre en place des solutions pour nombre de secteurs impactés. Mais comme il en faut beaucoup pour construire, il suffit de peu pour tout détruire.

L’annonce de l’instauration du pass vaccinal en est la parfaite illustration. Lundi 18 octobre, en fin de journée (naturellement…), et via un communiqué ne figurant nulle part ailleurs que sur le fil de l’agence MAP, les Marocains apprenaient que leur gouvernement allait adopter, trois jours plus tard, «une nouvelle approche préventive basée sur le pass vaccinal». Entendez une décision qui tombe d’en haut, sans débat ni concertation, et exécutoire (presque) dans l’immédiat. Les conséquences, on les connaît: afflux massif, et souvent dans le chaos, vers les centres de vaccination, des scènes de bousculade que l’on croyait d’un autre âge, des rixes entre citoyens récalcitrants et des agents (souvent privés) censés veiller au respect de cette décision sans y être prédisposés, une vague de contestation sur les réseaux sociaux et jusqu’à des marches de protestation.

«Nous avons assisté, et cela m’est arrivé personnellement, à des scènes aussi ubuesques que celles de jeunes débarquant en meutes dans les centres de vaccination et exigeant le vaccin unidose pour se débarrasser de ce qu’ils perçoivent comme une corvée et obtenir le Saint Graal qu’est devenu le pass vaccinal», témoigne Saïd Khamri, professeur de sciences politiques à la faculté de droit de Mohammedia.

Ce n’est que plusieurs jours après cette annonce que le gouvernement a daigné s’expliquer. Et mal. Au lieu de répondre aux craintes et résistances d’une partie de la société, une donne au demeurant naturelle et saine, c’est encore via communiqué que le gouvernement a réagi. C’était hier, lundi 25 octobre, soit une semaine après les faits. Et c’était pour dire… qu’il «a accueilli avec satisfaction la grande affluence vers les centres de vaccination suite à l’adoption de la nouvelle démarche préventive basée sur le pass vaccinal». De la polémique sur le bien-fondé même de la décision et la manière dont son exécution s’est déroulée, on n’en saura strictement rien.

Les sorties du ministre de la Santé (et de la protection sociale), Khalid Ait Taleb, n’ont rien arrangé à la cacophonie ambiante. Hier au Parlement, et laconiquement, il a expliqué que le pass vaccinal en cette période de l’année «est une mesure qui vise à inciter les non vaccinés à se faire vacciner rapidement». Il ne s’agit pas d’une «mesure contraignante», a-t-il ajouté. Sans plus d’explication. En dehors du fait qu’elle soit tardive, la sortie a tout sauf convaincu. La réalité est que, dans bien des endroits, on ne s’embarrasse plus de vous demander votre pass vaccinal, objet par ailleurs de bien des fraudes.

«Comme c’est le cas de par le monde, le gouvernement savait pertinemment qu’une telle mesure allait provoquer un élan de contestation et il aurait pu l’anticiper. D’abord en expliquant ce qu’est le pass vaccinal, en quoi il était essentiel et en désignant les personnes à même d’en assurer le contrôle. La majorité des Marocains entièrement vaccinés (plus de 21 millions à ce jour selon les dernières estimations, NDLR) est en droit de revendiquer l’impératif d’atteindre l’immunité collective. Au nom de cette majorité, le gouvernement est donc en droit de pousser les quelques millions de récalcitrants à se faire vacciner. Mais il faut, au préalable, expliquer», affirme Pr. Saïd Khamri. Pour cela, il aurait fallu, tout simplement, communiquer… et à temps. Comme son prédécesseur, l’actuel gouvernement ne sait visiblement pas y faire.

© Africa Times All Rights Reserved. Terms of Use and Privacy Policy

Inscrivez-vous à notre newsletter

Rejoignez notre liste de diffusion pour recevoir nos dernières informations

You have Successfully Subscribed!