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Relations internationales post Covid-19: quel positionnement pour le Maroc?

Relations internationales post Covid-19: quel positionnement pour le Maroc?

Favorable au multilatéralisme, le Maroc doit continuer à poursuivre son ouverture sur l’extérieur tout en défendant ses intérêts.

 

Jawad Kerdoudi est président de l’Institut marocain des relations internationales.

La pandémie du Covid-19 qui s’est déclenchée en Chine en Décembre 2019 a bouleversé l’ordre mondial. Le bilan planétaire à fin novembre 2021 est de 262 millions de cas de contaminations et 5,2 millions de décès. L’économie mondiale a subi une régression de 3,6% en 2020.

La crise du Covid-19 a mis à mal la mondialisation basée sur le néo-libéralisme qui a prospéré depuis les années 1980 avec une libre circulation des biens, des services et des personnes. Les effets négatifs de la mondialisation qui sont apparus dans la crise du Covid-19 sont l’interdépendance entre les pays et l’aggravation des inégalités sociales. D’où le retour à l’Etat-Nation qui se traduit par la souveraineté de l’Etat, la primauté de l’intérêt national, et la territorialité. La conséquence a été la montée du populisme notamment aux Etats-Unis, en Europe de l’Est et au Brésil. Cependant la mondialisation est un phénomène inévitable et irrésistible, et l’ordre ultime des temps post-modernes. C’est pour cela qu’à l’avenir la mondialisation persistera avec un retour de l’activisme de l’Etat.

Le nouvel ordre mondial post Covid-19 sera marqué par la rivalité sino-américaine. En effet, on a assisté ces dernières années à une absence latente du leadership américain, et une montée en puissance de la Chine qui tisse sa toile sur le monde à travers les Routes de la soie. Le président américain Joe Biden a continué la même politique que Donald Trump vis-à-vis de la Chine, c’est-à-dire une guerre froide qui ne dit pas son nom. Les deux grandes puissances luttent pour le leadership mondial. Le seul secteur où il y a un possible coopération est celui du changement climatique.

Quant aux autres acteurs les plus importants de la planète, l’Union européenne peut jouer un rôle d’équilibre entre les Etats-Unis et la Chine, mais elle n’arrive pas à s’unir sur la politique étrangère. Les liens entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) se sont beaucoup distendus, et aucune réunion n’a été tenue entre eux durant cette crise du Covid-19 pour une action commune. Le Brésil est dans une piètre situation depuis l’élection à la présidence du nationaliste Jair Bolsonaro. Pour ce qui est de la Russie, Vladimir Poutine mène une politique anti-occidentale (Syrie, Ukraine, Biélorussie) et se bat pour faire jouer un rôle international à son pays, malgré que le PIB de la Russie la place au 12ème rang mondial, à égalité avec la Corée du Sud. L’Inde lutte courageusement contre la Covid-19 malgré quelques déboires au début de la pandémie, et se place désormais comme un lieu d’accueil privilégié pour la relocalisation des investissements américains en Chine. Quant à cette dernière, elle concentre toute son énergie sur la compétition avec les Etats-Unis. L’Afrique dont la population majoritairement jeune atteindra 2,5 milliards d’habitants en 2050, et qui regorge de matières premières, est promise à un bel avenir sous certaines conditions. Elle doit renforcer son capital humain, valoriser ses matières premières, promouvoir l’industrialisation et parfaire son intégration dans le cadre de la ZLECA (Zone de libre-échange continentale africaine).

Face à ces données du nouvel ordre mondial Post Covid-19, quel pourrait être le positionnement du Maroc ? Notre pays dispose d’atouts qu’il faudrait valoriser au maximum. Tout d’abord la stabilité politique, la position géographique entre l’Europe et l’Afrique Subsaharienne, une main d’œuvre qualifiée et compétitive, des moyens logistiques modernes, tels que le Train à grande vitesse et le grand port de transbordement de Tanger/Med. Le Maroc a également développé une politique énergétique innovante avec l’éolien et le solaire, permettant d’atteindre un mix de 52% en énergies renouvelables d’ici 2030. Il a d’autre part géré avec succès la crise sanitaire du Covid-19, et a apporté un aide médicale à 18 pays de l’Afrique Subsaharienne. La preuve de l’intérêt pour les investissements étrangers au Maroc peut être apportée par les autorisations des projets par la Commission gouvernementale des investissements. C’est ainsi que lors de sa réunion du 24 Juin 2020, la Commission a autorisé 45 projets d’une valeur de 24 milliards de dirhams. Quant à sa réunion du 23 Novembre 2021, elle a autorisé 13 projets d’une valeur de 2 milliards de dirhams.

Favorable au multilatéralisme, le Maroc doit continuer à poursuivre son ouverture sur l’extérieur tout en défendant ses intérêts. C’est ainsi qu’à l’instar de ce qu’il a réalisé avec la Turquie, il devrait renégocier les Accords de libre-échange avec les autres pays dans un esprit gagnant-gagnant. Au niveau de la politique étrangère, trois axes s’imposent : celui de l’Afrique Subsaharienne pour une coopération Sud/Sud dans tous les domaines. Le second axe est celui du rapprochement avec les Etats-Unis et Israël, suite aux menaces proférées par l’Algérie à l’encontre du Maroc, et pour faire face à l’axe Iran-Hezbollah-Algérie-Polisario. Le troisième axe est celui de ses relations avec l’Union européenne, dont il faudrait revoir le mode de coopération en privilégiant le volet investissement. En effet suite à la crise Covid-19, le Maroc pourrait devenir un lieu de relocalisation pour les entreprises européennes implantées en Asie. Notre diplomatie devrait pousser l’Union européenne et ses membres «à sortir de leur zone de confort» et reconnaître à l’instar des Etats-Unis la marocanité du Sahara.

Quant aux autres continents, le Maroc devrait renforcer ses relations avec les pays asiatiques qui ont moins souffert de la crise du Covid-19, et qui sont devenus la source principale de la croissance mondiale. En premier lieu la Chine qui est classée la seconde puissance économique mondiale, mais aussi l’Inde, le Japon et la Corée du Sud. Enfin le Maroc doit saisir toutes les opportunités qui se présentent avec la Russie, les pays Arabes au Golfe, et les autres pays européens en dehors de l’Union européenne et notamment le Royaume-Uni.

En conclusion, la stratégie du Maroc est de poursuivre de bonnes relations avec tous les pays du monde pour tirer le meilleur profit pour son économie, tout en étant vigilant concernant la récupération de ses Provinces sahariennes et la préservation de son intégrité territoriale, qui sont la priorité des priorités.

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