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Story. FAR: pourquoi la grande muette fait tant parler d’elle

Story. FAR: pourquoi la grande muette fait tant parler d’elle

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Puissance militaire reconnue dans le monde, le Maroc est un partenaire stratégique incontournable pour de nombreux pays. Mais désormais, le royaume se donne de nouvelles ambitions.

Le Maroc a récemment réceptionné le premier lot d’une commande de drones de combat Bayraktar de types TB2, effectuée en mai dernier auprès de la Turquie. L’information a été révélée par Reuters, citant un diplomate qui a demandé à conserver l’anonymat. Le royaume s’apprête donc à recevoir un deuxième lot si l’on en croit cette source. De son côté, un responsable turc, également interrogé par l’agence de presse, a ajouté que le contrat d’achat de ces drones inclut la fourniture de pièces de rechange et la formation.

Si les sources de Reuters ne donnent pas de détails sur le nombre de drones turcs livrés au Maroc, ni sur le montant du contrat, la page Facebook FAR-Maroc avait annoncé le mois dernier que les premiers drones TB2 d’une commande de 13 étaient arrivés au Maroc. La page bien informée sur l’actualité des Forces armées royales (FAR) avait aussi ajouté que le royaume a envoyé des officiers en Turquie pour une formation au pilotage.

Le juste prix

Le drone de combat TB2 a fait ses preuves sur le terrain. Il a été notamment utilisé par l’armée turque en Syrie et en Libye (en soutien aux forces gouvernementales), ainsi que dans le Haut-Karabakh, où il a permis à l’Azerbaïdjan, allié de la Turquie, de battre les forces soutenues par l’Arménie. Des faits d’armes qui ont valu à ce petit bijou militaire conçu par le gendre de Recep Tayyip Erdogan d’être prisé par plusieurs pays. Outre le Maroc, l’Ethiopie, l’Ukraine ou encore la Pologne ont également sorti les chéquiers.

Le TB2 doit également, et surtout, son grand succès à son coût très bas par rapport à ses rivaux israéliens, chinois ou américains sur le marché. La différence est frappante: le drone turc affiche, par exemple, un coût d’achat 35 fois moins élevé que celui de l’américain Reaper MQ, considéré comme la «Rolls Royce des drones». Selon l’expert militaire Abdelhamid Harifi, interrogé par Medias24, la douzaine de drones turcs coûteront 70 millions d’euros au Maroc, qui a également commandé 4 Reaper pour… 1 milliard de dollars. Il n’y a pas photo.

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Une drone Bayraktar TB2. Crédit: DR

De plus, ce nouveau contrat confirme l’évolution fulgurante des achats d’armements marocains auprès d’Ankara. Selon les chiffres de la Turkish Exporters’ Assembly, les exportations aéronautiques et d’armements de la Turquie vers le Maroc ont atteint 78,6 millions de dollars au cours des trois premiers mois de l’année, contre 402,000 dollars à la même période l’année dernière. Septembre dernier, en particulier, a été un mois record, avec 62 millions de dollars.

La nouvelle arme secrète du Maroc

Déjà doté d’une force de frappe aérienne peu négligeable, avec une flotte d’au moins 80 avions de chasses (dont 23 F-16 et 25 autres prévus), le Maroc mise également, et désormais, sur les drones. Pour la surveillance, l’attaque ou la défense de son espace, le royaume ne lésine pas sur les moyens. Outre les TB2, 14 drones de surveillance ont, d’ailleurs, été remis à la gendarmerie royale par le français Delair pour lutter contre l’immigration irrégulière, a révélé Africa Intelligence en début de semaine.

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Le drone américain Reaper MQ. Crédit: DR

Et tous ces appareils ne sont pas là pour faire de la figuration. Ils sont déployés sur le terrain et apportent déjà des résultats. Pour rappel, le chef de la «gendarmerie» du polisario, Addah Al-Bendir, a été tué en avril dernier par une frappe de drone marocaine dans la région de Tifariti (province de Smara). Selon FAR-Maroc, le responsable polisarien et plusieurs autres «éléments de premier plan» du groupe séparatiste avaient péri dans cette opération lancée suite à des «mouvements suspects de leaders du Polisario à l’intérieur des zones tampons».

La nouvelle Guerre des étoiles

L’acquisition par le Maroc d’outils aériens ultrasophistiqués s’inscrit, par ailleurs, dans la guerre de l’espace que le royaume a entamée depuis quelques années, et à laquelle se livrent les grandes puissances de ce monde. Est-il besoin de rappeler que disposer d’un œil dans l’espace donne une longueur d’avance à tout pays en matière de surveillance de son territoire et, pourquoi pas, de ses voisins? C’est ce que le Maroc a réussi, il y a quelques années, en mettant en orbite non pas un mais deux satellites espions.

Le premier, nommé «Mohammed VI-A», est capable de prendre 500 photos en haute définition quotidiennement (vous avez dit précision?) et peut faire un tour complet autour de la Terre toutes les 97 minutes à 27.000 km/h. A l’opposé, mais complémentaire, le satellite «Mohammed VI-B» effectue des rotations verticales autour du globe avec un rayon de couverture plus large. Il permet également d’actualiser la base de données de la station terrestre toutes les heures, contre six heures pour le premier satellite, qui, lui, fait des rotations horizontales.

Ainsi, tous les angles sont couverts. Et les domaines d’application sont multiples, à commencer, évidemment, par la défense et le renseignement. Les satellites espions sont, par exemple, à même d’obtenir des informations précises sur tout mouvement des éléments armés et des infrastructures militaires du polisario. Avec, ne l’oublions pas, une grande précision. Le système de surveillance depuis l’espace peut, par ailleurs, servir dans le contrôle de l’urbanisation, dans la prévention des incendies, ou encore dans la lutte contre la désertification.

Notons également que seuls 4 pays africains (Maroc, Egypte, Nigeria et Afrique du sud) détiennent un satellite pouvant être utilisé dans le renseignement militaire. Et Mohammed VI-A est le plus puissant.

Satellite Mohammed VI-A : le Maroc désormais dans la cour des grands | Challenge.ma

Une autre particularité des satellites Mohammed VI-A et Mohammed VI-B est que leur mise en place a coûté quelque 600 millions d’euros financés exclusivement par l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie. Comme quoi, ils fonctionnent pour et par tous les citoyens marocains.

Réputation internationale

On le sait, le Maroc est un grand importateur d’armes. Selon le dernier rapport annuel du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), dévoilé en mars dernier, le royaume est le 29e plus gros importateur d’armes dans le monde sur la période 2016-2020. 3e au niveau africain, derrière l’Egypte et l’Algérie, ses principaux fournisseurs sont les Etats-Unis (90%), la France (9,2%) et le Royaume-Uni (0,3%). S’y ajoutent l’Espagne, le Brésil, la Turquie, la Chine, l’Italie, ainsi que de la Belgique et la Grande-Bretagne.

african-lion-2020Avoir des armes, c’est bien, mais (savoir) les utiliser, c’est encore mieux. C’est là qu’intervient l’armée. Et dans ce registre, le Maroc est un modèle. Le royaume peut en effet compter sur un personnel militaire actif des plus professionnels. Fort de 310.000 âmes selon Global Firepower, celui-ci présente la particularité de ne pas compter de réservistes, ce qui est une chose rare. Les soldats marocains sont des salariés qui s’engagent dans cette voie par conviction et non par obligation.

Niveau formation, difficile de faire mieux. Le système de formation militaire du Maroc fait figure d’exemple en Afrique et dans le monde arabe. L’Académie royale militaire de Meknès, l’Ecole royale de l’air de Marrakech, l’Ecole royale navale de Casablanca, l’Ecole royale de santé militaire de Rabat, l’Ecole Mohammedia d’ingénieurs (Rabat) et l’Ecole nationale forestière d’ingénieurs (Salé) jouissent d’une réputation dépassant les frontières nationales. Par exemple, les anciens présidents mauritaniens Mohamed Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Vall, burkinabés Thomas Sankara et Blaise Compaoré, et comorien Azali Assoumani sont tous passés par l’académie de la cité ismaélienne. Et la liste est longue.

Au niveau national, une bonne vingtaine d’établissements militaires et paramilitaires disséminés à travers le royaume confirment la qualité du système de formation militaire marocain. Lequel, faut-il le rappeler, forme également des profils pointus (génie militaire, génie mécanique, médecine militaire…).

Un partenaire stratégique incontournable

L’armée marocaine est non seulement bien formée, mais elle est aussi très expérimentée. Les nombreux exercices militaires conjoints organisés par le royaume avec les grandes puissances le prouvent. L’un des plus importants reste «African Lion», qui a fait cette année son retour, après avoir été suspendu en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Pour la petite histoire, il s’agit tout simplement du plus grand exercice du Commandement américain pour l’Afrique (USAFRICOM: United States Africa Command).

african-lionOrganisé du 7 au 18 juin dernier dans plusieurs régions à travers le royaume, l’exercice mené conjointement avec les Etats-Unis a vu la participation de plus de 7.000 soldats, ainsi que des observateurs issus d’une vingtaine de pays. Outre le Maroc et les Etats-Unis, les pays participants incluaient le Canada, la Grande-Bretagne, le Brésil, l’Italie, la Tunisie, le Sénégal ou encore la Tunisie. L’Organisation du traité de l’Atlantique était aussi de la partie.

Plus récemment, l’armée marocaine a pris part à l’exercice conjoint bilatéral Pakistan-Maroc 2021, organisé au Centre national de lutte contre le terrorisme (NCTC) à Pabbi. Lors de ce premier exercice conjoint entre Rabat et Islamabad, les forces spéciales des deux pays ont pratiqué divers exercices liés aux opérations de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, l’ambassadeur du Royaume-Uni à Rabat, Martin Simon, avait annoncé en août la tenue au Maroc d’exercices militaires conjoints entre les deux pays.

Une armée engagée pour la paix

Outre les exercices militaires, l’armée marocaine jouit d’une belle réputation sur les fronts étrangers. Par exemple, pendant la guerre du Golfe, le Maroc était le seul pays maghrébin à se joindre à la coalition américaine, sans oublier les 11.000 soldats qu’il a fournis pendant 14 ans à la force dirigée par l’OTAN au Kosovo. Il a également été, en 2014, le premier pays maghrébin à rejoindre la Coalition anti-Daech.

Et aujourd’hui, le royaume participe à deux opérations de maintien de la paix de l’Organisation des nations unies (ONU) en Afrique. A septembre dernier, le royaume compte 926 casques bleus au sein de la MONUSCO (Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo) et 767 casques bleus au sein de la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique). Quelque 752 casques bleus marocains en Centrafrique ont d’ailleurs été décorés, en août dernier, de médailles pour leur contribution au retour de la paix dans ce pays.

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Made in Morocco

Puissance militaire aujourd’hui reconnue dans le monde, le Maroc se donne désormais de nouvelles ambitions. Le royaume nourrit en effet le projet de se lancer dans la production d’armement. A commencer par… les drones. Selon des médias spécialisés, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, est attendu au Maroc dans les prochains mois. Visite qui serait l’occasion de signer des accords de coopération en matière de défense entre Rabat et Tel-Aviv, notamment en vue de la mise en place d’une industrie nationale de production de drones. Africa Intelligence a même ajouté que BlueBird Aerosystems, filiale du géant Israel Aerospace Industries (IAI), est en négociation avec le Maroc pour développer des entreprises capables de fabriquer ces appareils, précisant que le royaume est intéressé par les drones suicides Harop.

iai-harop-drone-maroc-israelMais ce dernier projet n’est que la (petite) pointe d’un immense iceberg. Le décret d’application de la loi 10-20 relative aux matériels et équipements de défense et de sécurité, aux armes et aux munitions a été publié au Bulletin officiel le 9 août dernier, marquant la pose de la première pierre à l’édifice d’une industrie marocaine de défense. Dans le détail, ce décret fixe la liste des types de matériels et d’équipements de défense et de sécurité pouvant être fabriqués au Maroc. Il définit également la composition et le fonctionnement de la commission nationale qui sera chargée d’octroyer les autorisations aux investisseurs privés souhaitant se lancer dans cette industrie. Les volets concernant la commercialisation, le transport et l’import-export sont également inclus.

Le Maroc jouit déjà d’une base industrielle propice pour accueillir un projet d’une telle envergure, avec la présence sur son territoire de grands opérateurs internationaux (Safran, Thales, Airbus/Stelia, Boeing, Eaton, UTC, Renault Trucks, etc.) qui disposent de filiales dédiées à la défense. Et au niveau des ressources humaines, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, le royaume forme déjà et dispose de profils pointus. Il faut donc y aller, surtout que la mise en place de ce projet ferait beaucoup de bien à l’économie nationale.

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