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Story. De l’orientalisme à l’art moderne: une certaine histoire de l’art au Maroc

Story. De l’orientalisme à l’art moderne: une certaine histoire de l’art au Maroc

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Mettant en exergue des œuvres de peintre marocains de 1916 à nos jours, l’exposition «Chronologie subjective de l’art moderne au Maroc, sélection d’événements artistiques majeurs» invite à un voyage dans l’histoire de l’art au Maroc.

Eugène Delacroix est exposé depuis début juillet au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat. Pourtant, à l’heure où l’intérêt s’essouffle pour d’autres artistes, le Français amoureux du Maroc continue de susciter l’intérêt.

En pleine semaine, la file est là. Les fans de la première heure, et c’est peu de le dire, vu la moyenne d’âge présente, sont là, attendant leur tour pour acheter un ticket à 40 dirhams.

Première à droite, dans le musée, Eugène Delacroix s’étale sur plusieurs mètres carrés sur fond ocre, rappelant la chaleur joviale de Marrakech. A terre, des flèches directionnelles guident les pas feutrés des visiteurs. Aucun risque de se perdre. Ce sont ces mêmes flèches qui mènent, d’ailleurs, vers une seconde exposition: «Chronologie subjective de l’art moderne au Maroc, sélection d’événements artistiques majeurs».

Les œuvres étalées vont de 1916 à nos jours. Il s’agit de peintres exclusivement marocains, au grand plaisir de cette nouvelle génération qui ignore souvent l’Histoire de son pays.

Entrons par la grande porte et découvrons ensemble l’évolution de l’art moderne marocain.

1916: Exposition du premier peintre marocain en Europe, plus précisément à Londres et Marseille. L’artiste autodidacte Ben Ali R’bati, né à Rabat en 1861, connaît ses premiers succès à Tanger, soutenu par des artistes européens. L’artiste, aussi appelé premier peintre du Maroc, lance la tendance de la peinture du chevalet dans le pays.

Il faudra ensuite attendre une trentaine d’années avant de voir naître la première école de beaux-arts du royaume. C’est à Tétouan qu’elle voit le jour en 1945. L’école permet, dans un premier temps, de vulgariser au niveau national l’art, qui devient alors, peu à peu, une partie prenante de la culture locale.

En 1947, l’artiste Mohamed Sarghini expose en Espagne. Nul ne saurait parler de Tétouan sans citer le nom de Sarghini, originaire de la même ville que l’école des beaux-arts. Encore aujourd’hui, les œuvres de l’artiste disparu en 1991 ornent les murs de la Villa des arts de Rabat. Né en 1923 à Larache, Sarghini a su garder en lui, et à travers son pinceau, l’influence de sa ville natale, en vouant une adoration assumée à la beauté de l’Andalousie.

1950: L’influence de l’art commence à s’étendre à plusieurs villes du royaume et Casablanca accueille, à son tour, son école des beaux-arts. Celle-ci subsiste encore aujourd’hui, proposant une formation diversifiée et au goût du jour dans le graphisme publicitaire et le design d’intérieur, en passant par les arts plastiques.

1952: Ahmed Yacoubi expose pour la première fois aux Etats-Unis. Il est connu aussi pour être un conteur né. Il racontait souvent de belles fables ainsi que les mythes marocains. Pour la petite histoire, l’artiste, alors âgé de vingt ans, a tenté de persuader une propriétaire de galerie américaine, en lui racontant le mythe d’Aicha Kandicha, à moitié diablesse, à moitié femme, qui ensorcelaient les hommes par sa beauté, à les en tuer.

En 1953, le cinquième Salon d’hiver de Marrakech consacre, pour la première fois, une manifestation à la peinture marocaine. Cette exposition, qui marque le début d’une grande époque, rassemble alors sept jeunes peintres: Mohamed Ben Allal, Farid Belkahia, Hassan El Glaoui, Moulay Ahmed Drissi, Mohamed Hamri, Tayeb Lahlou et Omar Mechmacha.

1956: une peinture à caractère national

C’est l’année de l’indépendance politique du Maroc. C’est aussi l’année où a eu lieu la première exposition itinérante, qui avait pour vocation de «présenter la jeune peinture marocaine dans la diversité des styles et des techniques employés», peut-on lire au niveau du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat. Cette manifestation, qui a permis d’introduire le travail de pas moins de 23 artistes peintres marocains, répond aussi à la volonté de présenter un noyau dur de la première peinture marocaine, à savoir une peinture nationale et nationaliste.

L’exposition comptait parmi ses artistes Jilali Gharbaoui, Ahmed Cherkaoui, Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Mohamed Chebaâ, Meki Megara, Saad Ben Cheffaj, André Elbaz, ou encore Mohamed Hamidi. Un savant mélange de techniques, de références et d’esthétiques.

1960: A Bab Rouah, à Rabat, la jeune peinture marocaine s’expose. La galerie Bab Rouah venait à peine d’être instituée galerie nationale et accueillait cette exposition qui paraissait, à l’époque, comme une définition d’une scène artistique locale. La diversité de styles et de techniques démontrent aux yeux du monde la pluralité et la touche marocaines, à travers 25 artistes, dont Hamri, Ben Cheffaj, Cherkaoui, Melihi, Miloudi, Moulay Ahmed Drissi, Ben Allal… La même année, les peintres marocains exposeront à Paris, avant de plier bagage pour Londres.

Quatre ans plus tard, c’est main dans la main que des peintres marocains et parisiens, de l’Ecole de Paris, organisent une exposition, dirigée par Gaston Diehl, à Rabat, à laquelle participe Ahmed Cherkaoui.

1963: Les Oudayas de Rabat, lieu hautement touristique et culturel de la ville, accueille une rencontre internationale d’artistes. Une exposition qui répondait à deux objectifs. Il s’agissait, d’une part, d’«affirmer l’existence de la spécificité de la peinture marocaine, et d’autre part, d’esquisser des rapprochements stylistiques et/ou conceptuels entre les productions de peintres marocains et de leurs pairs étrangers». On comptait ainsi 22 artistes internationaux (Arp, Matisse, Dufy, Fautrier, Hartung, Miro, Picasso…)». Du côté marocain, les artistes les plus représentatifs de l’époque étaient de la partie: Mahjoubi  Aherdan, Mohamed Romain Ataallah, Farid Belkahia, Karim Bennani, Mohamed Benanni, Maxime Benhaim, Ahmed Cherkaoui, Amine Demnati, André El Baz, Jilali Gharbaoui, Ahmed Louardighi, Mekki Megara, Ahmed Yacoubi…

1965: Une petite révolution enseignante vient frapper le petit monde de l’art au Maroc. Contestés et jugés pour avoir hérité des traditions occidentales, Chabâa, Melehi et Belkahia décident de réaliser une réforme des méthodes d’éducation artistique au sein de l’Ecole des beaux-arts de Casablanca. De ce fait, ils s’éloignent volontairement de ce qui se fait jusque-là, à savoir statuaire gréco-romaine et peinture de chevalet, et se lancent dans la culture environnante en s’inspirant des arts traditionnels du Maghreb. Ainsi est né le «Groupe de Casablanca».

En 1966, Mohamed Kacimi représente le Maroc en présentant une toile au Festival mondial des Arts nègres à Dakar, aux côtés d’Aimé Césaire. Il s’agit alors de «manifester, avec les richesses de l’Art nègre, la participation de la Négritude à la civilisation de l’Universel», déclare le président Senghor. Cette manifestation est notamment marquée par la présence de l’écrivain André Malraux.

Deux ans plus tard, la galerie Bab Rouah donne une manifestation en hommage à Cherkaoui, décédé le 17 août 1967, à l’âge de 32 ans. Il était, alors, reconnu comme l’un des précurseurs de la peinture moderne au Maroc.

1969: Casablanca et Marrakech s’unissent pour exposer la «Présence plastique», au niveau de, respectivement, la Place du 16 novembre et Jamaa El Fna. Le Maroc ouvre ainsi la porte aux expositions en public. C’est aussi à cette occasion que le Groupe de Casablanca pose la problématique de l’intégration de l’art dans l’espace urbain et de sa réception par un public élargi.

La même année a lieu le premier Festival panafricain à Alger, qui regroupe des artistes et intellectuels africains ou issus de la diaspora africaine, et qui intervient au moment de la décolonisation. 40 ans plus tard, Alger même accueillera à nouveau cette exposition, mixée à des spectacles de rue, concerts, projections…

En 1972, l’Association marocaine des arts plastiques (AMAP) voit le jour.

Du 15 mars au 15 avril 1974: Première Biennale panarabe des artistes de Baghdad. 14 pays prennent part à cet événement, dont le Maroc. Une première de ce genre dans le monde arabe, qui regroupe 600 œuvres: sculptures, céramiques, peintures… Le Maroc est représenté par Belkahia, Chebaâ, Bennani, Melehi et Latida Toujani.

1979: Le peintre Ahmed Amrani co-organise avec Abdelkrim Ouazzani, Bouzaid Bouabid et Habiba Bouhumo la première exposition publique du printemps d’El Feddane. De 1979 à 1982, cette exposition aura lieu tous les ans, puis une dernière fois en 1986.

1985: Déroulement de l’exposition «Présence marocaine» au Centre national d’art contemporain  de Grenoble, avec la participation de 19 peintres marocains.

1986: Création de l’Association nationale des arts plastiques.

De 1986 à 1987 une exposition itinérante a lieu, nommée «Intensités nomades », au musée Fabre de Montpellier, à la galerie Bab Rouah de Rabat, ainsi qu’à Fès, Tanger, Tunis, Alger et Paris. Cette exposition est alors organisée par l’Institut du monde arabe et l’Association française d’action artistique. Trois Marocains y sont présents: Najia Mehadji, Fouad Bellamine et Touhami Ennadre.

1989: Consécration de l’artiste autodidacte Boujemaa Lakhdar, mort en 1989, lors de l’exposition «Les magiciens de la Terre», au centre Pompidou.

En 1993, l’atelier «Volumes et installations», de Faouzi Laatiris, voit le jour à l’Institut national des beaux-arts de Tétouan. Il s’agit là d’un changement de pédagogie, notamment avec l’arrivée de nouveaux professeurs tel que Hassan Echair.

1995: Exposition «Africa Remix» au centre Pompidou avec des artistes marocains tels que El Baz, Benohoud ou encore Fatmi.

«L’objet désorienté au Maroc», au musée des Arts décoratifs de Paris, s’expose grâce à des artistes comme Fatmi Benohoud, Safaa Erruas, Laatiris, Younes Rahmoun, ou encore Batoul S’himi. Cette exposition ne sera pas statique et s’exportera à Casablanca, à la Villa des Arts, avant de se rendre à Marseille en 2000.

En 2014, le Maroc brille de mille feux à travers l’exposition «Le Maroc contemporain» à l’Institut du monde arabe de Paris. Au total, 81 artistes sont regroupés, de différentes générations et de différents styles.

La même année, le Musée d’art moderne et contemporain Mohammed VI ouvre ses portes au grand public, avec l’exposition «1914-2014. Cent ans de création au Maroc». Ce ne sont pas moins de 400 œuvres inédites issues de collections nationales institutionnelles et privées qui sont rassemblées pour la première fois au Maroc.

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