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Entre Alger et Madrid, rien ne va plus en économie

Entre Alger et Madrid, rien ne va plus en économie

En seulement 4 mois, le manque à gagner pour l’Espagne est estimé à 487 millions d’euros. La cause : les restrictions sur les transactions économiques, en vigueur depuis la suspension du Traité d’amitié par l’Algérie, le 9 juin dernier.

Une demi-année après la suspension immédiate par Alger du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération qu’elle a conclu le 8 octobre 2002 avec Madrid, en riposte à la décision du gouvernement espagnol de changer de position sur le Sahara marocain, les transactions commerciales entre les deux pays sont en gel, au détriment des entreprises, frappées de plein fouet, en sus de la Covid-19, par la crise diplomatique.

Projets en stand-by, blocage des ventes, paralysie presque totale des opérations de commerce extérieur, à l’exception des produits énergétiques… Rien ne va plus entre l’Algérie et l’Espagne.

« Nous ne pouvons ni exporter ni importer, toutes les opérations sont en suspens », a déclaré à l’Agence de presse française (AFP), Julio Lebrero, patron d’Aecomhel, une entreprise espagnole spécialisée dans la fabrication d’engins de travaux publics. Et de noter « Cela fait six mois que nous n’avons pas facturé un seul euro, c’est intolérable ».

A noter qu’, Aecomhel détient presque la moitié du capital du groupe algérien Europactor et réalise la quasi-totalité de son activité en Algérie.

Par ailleurs, à l’image du patron d’Aecomhel, beaucoup de chefs d’entreprises espagnoles sont inquiets, car ils sont en grande difficulté économique, et se posent la question de continuer ou non. A leur tour, les patrons algériens, ne sont pas non plus à l’abri car, pour plusieurs PME algériennes, l’activité est dépendante des matières premières « Made in Spain ».

L’origine, le pourquoi de la crise

Depuis le 18 mars 2022, l’Espagne et le Maroc ont mis fin à la brouille diplomatique liée à la question du Sahara marocain, qui a duré une année, et ce, après un changement radical de la position de Madrid.

L’Espagne avait en effet annoncé par surprise renoncer à défendre une solution négociée sur l’avenir du territoire du Sahara, pour s’aligner pleinement sur le plan marocain d’autonomie, considéré comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ».

Depuis cette date, rien ne va plus entre Alger et Madrid. Une crise qui ne dit pas son nom s’installe entre les deux pays. Le 9 juin 2022, l’Algérie fait payer à l’Espagne son ralliement au Maroc sur la question du Sahara et annonce la suspension du traité bilatéral « d’amitié, de bon voisinage et de coopération » entre les deux pays.

Jeudi 30 juin 2022, le gouvernement espagnol accuse l’Algérie de mettre les bâtons dans les roues des transactions économiques et sans détour, le chef de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, a affirmé, le 30 juin dernier dans une interview à la Radio nationale (RNE) qu’« il y a effectivement un blocage des opérations commerciales bilatérales par l’Algérie».

En réaction, Albares a assuré qu’il défendrait «avec fermeté» les intérêts espagnols dans ce dossier. « Chaque fois que nous voyons des transactions bloquées, nous les transmettons à la Commission (européenne), qui demande des explications à l’Algérie », a déclaré le diplomate.

Guerre économique

Le jour même de l’annonce de la suspension du Traité d’amitié entre Alger et Madrid, l’Association algérienne des banques et des établissements financiers (Abef), a notifié aux banques et établissements financiers la décision du gel des domiciliations bancaires des opérations de commerce extérieur de produits et services, de et vers l’Espagne, et ce, à compter du jeudi 09 juin 2022.

Ce gel, annoncé par l’Association des banques et des établissements financiers (ABEF) algériens, « a fortement affecté les échanges » entre les deux pays, souligne Alfonso Tapia, PDG d’Omnicrea Consultoria, cabinet de conseil spécialiste du marché algérien.

Depuis lors, agroalimentaire, chimie, textile, BTP… Dans de nombreux secteurs, « tout est à l’arrêt », confirme à l’AFP Djamel Eddine Bouabdallah, président du Cercle de commerce et d’industrie algéro-espagnol (CCIAE).

Selon lui, des entreprises ont d’ores et déjà dû mettre la clé sous la porte. Seule exception: le gaz, dont les livraisons à l’Espagne se sont poursuivies ces derniers mois à un tarif néanmoins révisé à la hausse par le groupe algérien Sonatrach.

Par ailleurs, d’après le ministère espagnol du commerce, les exportations vers l’Algérie ont plafonné à 138 millions d’euros entre juin et septembre, contre 625 millions sur la même période de 2021. Soit un manque à gagner de 487 millions d’euros en seulement quatre mois.

A noter qu’en 2020, l’Espagne était le 3ème client de l’Algérie, essentiellement du gaz pour 2,3 milliard de dollars et son 5ème fournisseur pour 2,1 milliard de dollars. A ce qui parait, l’ Algérie se sert aujourd’hui de l’économie, surtout du gaz, comme arme diplomatique et géostratégique. Il y a loin de la coupe aux lèvres!

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