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En Tunisie, l’incertitude plane après le fiasco des Législatives

En Tunisie, l’incertitude plane après le fiasco des Législatives

Le président tunisien Kais Saied se retrouve dans une position difficile, après des législatives marquées par un taux de participation de moins de 10%.

Le fiasco des élections législatives en Tunisie, marquées samedi par une abstention record de plus de 90%, est un camouflet pour le président Kais Saied. L’opposition réclame le départ du dirigeant, qui se retrouve délégitimisé et très affaibli dans ses négociations avec le FMI d’un prêt crucial pour une économie aux abois.

«L’échec», a titré dimanche le journal Maghreb. Le chef de la principale coalition d’opposants Ahmed Nejib Chebbi a appelé le président à «quitter ses fonctions immédiatement» après l’annonce d’un taux de participation de seulement 8,8% au premier tour d’un scrutin organisé pour renouveler le Parlement.

Il s’agit du pire taux de participation à des élections en Tunisie depuis la Révolution de 2011 qui avait chassé du pouvoir le dictateur Zine EL Abidine Ben Ali et fait émerger la première démocratie du monde arabe.

«C’est un grand désaveu populaire»

«C’est un grand désaveu populaire pour le processus» démarré le 25 juillet 2021, quand Kais Saied avait gelé le Parlement et limogé son Premier ministre, s’emparant de tous les pouvoirs, a déclaré dimanche Ahmed Nejib Chebbi.

Les Tunisiens «ont tourné le dos à son processus illégal qui bafoue la Constitution», a poursuivi Ahmed Nejib Chebbi, président du Front de Salut national (FSN), dont fait partie le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de M. Saied et ancien parti majoritaire au Parlement pendant les 10 ans qui ont suivi la Révolution tunisienne de 2011. Il a appelé les autres formations politiques à «s’entendre sur la nomination d’un haut magistrat» capable de «superviser une nouvelle élection présidentielle».

Ce fiasco électoral va compliquer, selon le FSN, les négociations entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de près de 2 milliards de dollars, dont le pays très endetté a un besoin urgent.

Un scrutin sans affiliation politique

Ces législatives représentent le point final de l’édification d’un système hyperprésidentialiste par le président Saied, élu en 2019, avec l’élection d’un Parlement privé de l’essentiel de ses pouvoirs après une révision constitutionnelle cet été.

Jusqu’à présent critiques du processus lancé par Kais Saied, les Etats-Unis ont qualifié dimanche la tenue de ce scrutin de «premier pas essentiel vers la restauration de la trajectoire démocratique du pays». Même si, selon le Département d’Etat américain, la forte abstention «renforce la nécessité d’élargir davantage la participation politique au cours des prochains mois».

Le nouveau mode de scrutin interdisait toute affiliation politique pour des candidats le plus souvent inconnus, ce qui a contribué à faire chuter la participation, selon les experts. Le FSN et la plupart des autres formations politiques, dont le Parti destourien libre d’Abir Moussi (anti-islamiste), boycottaient en outre le vote.

L’opposition «est faible et divisée»

Le taux très bas «est un désaveu personnel pour Kais Saied qui a décidé tout tout seul», a analysé le politologue Hamadi Redissi, estimant que «sa légitimité est en cause». Toutefois, selon cet expert, «la situation est bloquée» car «il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le président» dans la nouvelle Constitution de 2022.

Le nouveau Parlement – qui ne sera constitué qu’après un deuxième tour d’ici début mars – n’a pas cette compétence et peut, au mieux, censurer le gouvernement mais à l’issue d’un processus long et complexe. Pour le politologue Slaheddine Jourchi, «ce taux reflète l’absence de confiance du peuple».

Reste que l’opposition «est faible et divisée» entre d’un côté le camp laïc et progressiste, et de l’autre le FSN coalisé autour d’Ennahdha, selon Hamadi Redissi. Il y a «peu de chances qu’elle s’unisse tant que ne sera pas résolue la question Ennahdha», a-t-il dit, à propos de cette formation à laquelle une bonne partie des Tunisiens imputent les échecs économiques et sociaux de la dernière décennie.

La population est très inquiète de la dégradation continue de ses conditions: inflation galopante, chômage très élevé et un taux de pauvreté qui touche 4 millions des 12 millions de Tunisiens.

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