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Campagne électorale «prématurée»: les partis politiques misent sur la pub Facebook

Campagne électorale «prématurée»: les partis politiques misent sur la pub Facebook

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A quelques jours du lancement de la campagne électorale, plusieurs partis politiques s’activent sur les réseaux sociaux. En misant sur les capacités promotionnelles de ces applications, ils prennent de l’avance par rapport au calendrier officiel.

Selon Ahmed Bouz, professeur de droit constitutionnel à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Souissi (Rabat), un certain nombre de choses sont difficiles à contrôler dans les campagnes électorales. Les affiches publiées sur les réseaux sociaux en font partie. «On peut dire que les sorties médiatiques des partis politiques sur les réseaux sociaux sont des campagnes électorales prématurées», estime-t-il.

Ainsi, la campagne électorale, qui doit se dérouler du 26 août au 7 septembre, a été lancée officieusement par la plupart des partis politiques. Ces derniers ont porté leur choix sur l’espace numérique. «La campagne électorale impose une distinction entre deux choses. Le premier point concerne la campagne électorale officielle, soit chaque mouvement et activité d’un parti pendant les délais légaux spécifiés, tandis que le second concerne la campagne électorale informelle, c’est-à-dire celle lancée avant ces échéances. Certains pays, prenant conscience de cette question, ont prolongé les délais de la campagne électorale».

Dans une déclaration à Ni9ach21, Bouz indique que la courte durée de la période de la campagne électorale au Maroc pose problème, notamment en raison de la difficulté à contrôler une partie des travaux et activités qui se déroulent en dehors de celle-ci. Ces activités concernent la campagne et la propagande électorales, ainsi que les mouvements des acteurs politiques, et impliquent la prise en compte du groupe social, de la tribu, de l’élément religieux…

«Tout ne peut pas être contrôlé par la loi», souligne le professeur de droit constitutionnel, citant l’exemple d’une personne qui, après avoir obtenu une accréditation, annonce sa candidature sur les réseaux sociaux. Pourtant, «la loi réglemente quand et où ces affiches peuvent être publiées», rappelle-t-il.

Mais pour Mohamed Bouden, politologue et président du Centre international Atlas d’analyse des indicateurs politiques et institutionnels, «malgré la présence des réseaux sociaux, la campagne a toujours un sens traditionnel, et même légal», précisant qu’il y a toujours eu des campagnes électorales prématurées.

Des millions de personnes touchées par les campagnes numériques

Facebook a révélé les sommes dépensées par les partis politiques marocains dans les campagnes numériques afin de promouvoir leurs programmes lors de la campagne pour les élections professionnelles, à quelques jours de la date de dépôt des candidatures aux élections communales, régionales et législatives.

Le Rassemblement national des indépendants (RNI) est ainsi arrivé en tête avec un budget s’élevant à 126.775 dollars, soit 1.128.298 dirhams, lors de la campagne pour ces élections qui ont eu lieu le 6 août. Les statistiques révèlent également que le Parti de l’Istiqlal a dépensé 14.970 dollars sur sa page Facebook officielle entre le 31 juillet et le 6 août dernier, tandis que le Mouvement populaire a dépensé l’équivalent de 672 dollars, soit environ 6.800 dirhams, au cours de la même période.

Pendant ce temps, le Parti authenticité et modernité (PAM) a déboursé 630 dollars, soit environ 5.607 dirhams, pour promouvoir la page officielle de son secrétaire général, Abdellatif Ouahbi. Le Parti justice et développement (PJD), lui, est loin derrière, avec des dépenses n’excédant pas les 100 dollars, soit environ 890 dirhams. Le même montant a été dépensé par le Parti du progrès et du socialisme (PPS) sur sa page officielle.

«Si l’on prend en compte les chiffres annoncés par Facebook, il apparaît que l’un des partis utilise davantage l’espace numérique. Mais cela se refléter a-t-il dans sa performance aux élections? Son utilisation du marketing numérique lui permettra-t-elle d’obtenir le plus grand nombre de voix? Je ne pense pas, car en 2016, le PAM a mené une campagne numérique, mais il n’a pu vaincre le PJD», prévient Bouz.

Et d’ajouter: «L’espace numérique est important, et il le deviendra plus au vu des mesures de précaution résultant de la pandémie de Covid-19. Mais ce n’est pas un indicateur suffisant pour déterminer le comportement des Marocains, car si les Marocains commencent à voter sur la base des chiffres produits par les réseaux sociaux, cela sera considéré comme un changement dans la structure sociale et le comportement politique», ajoute notre expert.

Les Marocains pas si connectés que cela

Le nombre de Marocains ayant des comptes sur les réseaux sociaux avait atteint 22 millions en janvier 2021, selon le site Statista, spécialisé dans les statistiques. L’on apprend aussi que Facebook se classe en premier chez les Marocains, suivi de YouTube, de WhatsApp, puis d’Instagram.

«Je pense que l’espace numérique peut renforcer la confiance entre élus et électeurs, mais il peut aussi briser cette confiance. Les programmes électoraux présentés sont répétitifs, loin des aspirations des citoyens, et incohérents avec la situation actuelle», prévient Mohamed Bouden, soulignant que «le public présent sur les réseaux sociaux a l’intelligence qui lui permet de faire la distinction entre les idées sérieuses, avec des fondements réalistes et orientées vers l’avenir, et les idées imaginatives et répétitives».

«Le ciblage des électeurs doit être effectué sur une base scientifique bien étudiée, et non via un processus de communication semblable à celui des acteurs des réseaux sociaux», ajoute le politologue, notant que «le recours des partis à l’espace numérique est le résultat d’une faille dans la communication réelle entre eux et les citoyens. Par exemple, en 2016, un certain nombre de partis ont organisé des émissions en direct, ainsi que des festivals. Et cette année, si les élections n’avaient pas coïncidé avec l’adoption des mesures préventives pour lutter contre la propagation du coronavirus, les partis auraient organisé des festivals et des réunions réelles».

Bouden conclut sa déclaration en disant que «les gens sur les réseaux sociaux ne sont pas toujours réels, et ils ne possèdent pas nécessairement de droits civils et politiques». Il insiste donc sur le fait que l’espace numérique est ouvert et difficile à saisir. Dès lors, celui-ci ne peut être considéré comme un déterminant fondamental de la scène politique, bien qu’il puisse offrir quelques indications.

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