En lecture
Relations sexuelles hors mariage: Samira Muheya Vs Lahcen Ben Brahim Skenfel

Relations sexuelles hors mariage: Samira Muheya Vs Lahcen Ben Brahim Skenfel

Pour Ni9ach21, Samira Muheya, présidente de la Fédération des ligues des droits des femmes, et Lahcen Ben Brahim Skenfel, président du Conseil des oulémas de Skhirat-Témara, se sont exprimés sur un sujet qui attise les divergences.

Au Maroc, la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage fait débat depuis des années. Tandis que le collectif des «Hors-la-loi» a lancé en février dernier #STOP490, une campagne sur les réseaux sociaux appelant à l’abrogation de l’article 490, qui punit d’emprisonnement les relations sexuelles hors mariage, la contre-campagne #KEEP490 est pour le maintien de cet article controversé. Ainsi, l’opinion publique, qui est l’image d’un vécu commun, se retrouve divisée.

Mais n’est-il pas temps de trouver le juste-milieu entre la protection des droits et des libertés et la préservation des valeurs de la société? Faut-il garder les mêmes dispositions juridiques alors que la société marocaine n’est pas étrangère à la mondialisation? Interrogés par Ni9ach21, Samira Muheya, présidente de la Fédération des ligues des droits des femmes, et Lahcen Ben Brahim Skenfel, président du Conseil des oulémas de Skhirat-Témara, se sont exprimés sur un sujet qui attise les divergences.

Ni9ach21: Quel est votre avis sur les relations sexuelles hors mariage?

Samira Muheya: Les relations sexuelles hors mariage font partie de la sphère des libertés individuelles, et en tant que fédération, nous avons lutté pendant de nombreuses années pour la consécration de ces libertés ainsi que l’abrogation des textes de lois qui les restreignent. Dans ce cadre, nous avons manifesté pour soutenir les victimes et nous avons pris position sur différents sujets qui intéressent les droits, surtout ceux des femmes.

Lahcen Ben Brahim Skenfel: Les relations sexuelles hors mariage désignent la fornication («zina») et sont prohibées par la «Sharia». En effet, Dieu a dit dans le Coran: «Et n’approchez point la fornication. En vérité, c’est une turpitude et quel mauvais chemin!» (sourat Al-Isra « Le voyage nocturne », verset 32) et «Le fornicateur n’épousera qu’une fornicatrice ou une associatrice. Et la fornicatrice ne sera épousée que par un fornicateur ou un associateur; et cela a été interdit aux croyants» (sourat An-Nur « La lumière », verset 3). 

En outre, ne pas forniquer est l’une des clauses du serment d’allégeance des musulmans au Prophète, comme il l’est dit dans le verset 12 de la sourat Al-Mumtahanah (L’éprouvée): «Ô Prophète! Quand les croyantes viennent te prêter serment d’allégeance, [et en jurent] qu’elles n’associeront rien à Allah, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère, qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois leur serment d’allégeance, et implore d’Allah le pardon pour elles. Allah est certes, Pardonneur et Très Miséricordieux.»

Que pensez-vous de la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage?

S.M: Je pense que l’article 490 du Code pénal, qui stipule que «Sont punies de l’emprisonnement d’un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles», crée une grande brèche dans la loi pénale dont la règle juridique est censée prévenir et punir le trouble à l’ordre social, et pas à l’ordre moral qui reste l’affaire de la règle religieuse. Par contre, je me demande en quoi deux adultes consentants qui exercent leurs libertés individuelles, dans un lieu privé, troublent l’ordre social!

Par conséquent, nous appelons le législateur à la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage, car cet article de loi constitue une violation aux principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme, ainsi que les droits d’être protégé contre les immixtions arbitraires dans la vie privée et contre la détention arbitraire. Cet article constitue un manquement aux obligations que le droit international impose aux Etats en matière de droits de l’Homme, notamment celles consistant à protéger la vie privée et à garantir la non-discrimination en raison du sexe. En effet, quand une femme dépose une plainte contre son partenaire, qu’elle l’accuse de l’avoir exploitée sexuellement (débouchant sur une grossesse ou non), c’est la femme qui est toujours poursuivie en cas de déni de l’homme. C’est une injustice. Cet article doit être abrogé car le droit pénal doit pouvoir être adaptée aux évolutions sociales rapides du monde moderne. 

B.S: La divergence d’opinions est une richesse inestimable. Cependant, du point de vue de la religion et lorsqu’un jeune est venu demander au Prophète l’autorisation pour forniquer, ce dernier lui dit: «Approche et assieds-toi. Aimerais-tu voir ta mère commettre la fornication? -Non ô Prophète et je suis prêt à sacrifier la vie de mes parents pour toi ô Prophète mais je jure par Allah que je n’accepterai jamais de voir la mère dans une telle situation. -Il en est de même pour les autres. Ils n’aiment pas voir leur mère commettre l’adultère. Aimerais-tu cela pour ta sœur? -Non ô Prophète et je suis prêt à sacrifier la vie de mes parents pour toi ô Prophète mais je jure par Allâh que je n’accepterai jamais de voir ma sœur dans une telle situation. -Il en est de même pour les autres. Ils n’aiment pas voir leur sœur commettre l’adultère. Aimerais-tu cela pour ta tante paternelle? -Non ô Prophète et je suis prêt à sacrifier la vie de mes parents pour toi ô Prophète mais je jure par Allâh que je n’accepterai jamais de voir ma tante dans une telle situation». Alors, à la fin, le jeune demanda des invocations au Prophète, qui dit en priant: «Oh Allah purifie son cœur, pardonne ses péchés, préserve ses parties intimes et épargne-lui la tentation.» Le débat est donc autorisé mais cela ne doit pas mener à autoriser ce qui est prohibé et vice-versa.

Actuellement, de plus en plus de personnes admettent avoir des relations sexuelles hors mariage. Pourquoi est-ce le cas, selon vous?

S.M: De nombreuses études modernes ont montré que l’âge au mariage se situe en moyenne désormais entre 29 et 30 ans. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer ce report dans le temps: le chômage, la hausse du coût de la vie, l’allongement des études pour les jeunes… D’où l’émergence d’une sexualité entre adultes non mariés. Mais quelle est la solution? L’emprisonnement de tous ces jeunes ou la légalisation des relations sexuelles entre adultes dans un cadre privé et sans outrage public à la pudeur?

De plus, le débat autour de ce sujet est ouvert depuis bien avant 2015, avec le procès des deux «filles d’Inezgane», mais avec les réseaux sociaux, le débat est devenu public. En 2021, ce n’est plus nécessaire de débattre sur le sujet, car il est temps que les politiciens prennent position et approuvent le projet de loi 10-16 modifiant et complétant le Code pénal pour la préservation de la dignité de la femme et afin de lutter contre la discrimination de genre. La femme est la pierre angulaire sur laquelle repose la société et de la famille.

B.S: J’ai énoncé au début que les relations sexuelles hors mariage sont de la fornication, qui est considérée comme un acte grave par la religion. Il en est de même pour la prostitution, qui est une fornication moyennant une somme d’argent.

Le droit de la famille marocain s’inspire de la règle religieuse musulmane. L’Islam a donné un cadre licite aux relations sexuelles: le mariage. Il a interdit la fornication, mais a permis le mariage. En fin de compte, le halal est clair et le haram aussi.

  

© Africa Times All Rights Reserved. Terms of Use and Privacy Policy

Inscrivez-vous à notre newsletter

Rejoignez notre liste de diffusion pour recevoir nos dernières informations

You have Successfully Subscribed!