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Boycott: bête noire des automobilistes, les «gilets jaunes» se défendent

Boycott: bête noire des automobilistes, les «gilets jaunes» se défendent

Les gardiens de voiture sont devenus le cauchemar des automobilistes marocains, qui ont décidé d’exprimer leur mécontentement sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Voyant leur gagne-pain ainsi menacé, les concernés prennent la parole.

Si en France, les gilets jaunes luttent pour l’amélioration des conditions de vie des ménages, au Maroc, ils sont plutôt accusés de noircir le quotidien des automobilistes. Et l’affaire fait couler beaucoup d’encre sur les réseaux sociaux. Depuis mi-mai, de nombreux internautes partagent sur la page Facebook «Boycott moul gilet» leurs expériences avec les gilets jaunes. Mais cette campagne de dénonciation est-elle suffisante pour régler le phénomène ?

En plus des actions du groupe aux plus de 185.000 membres, de nombreuses réclamations ont été déposées sur les portails «Chikaya.ma» et «Casablancacity.ma» pour signaler les agissements de certains gardiens de voitures. Les accusations concernent les prix exorbitants allant de 2 à 20 dirhams, l’agressivité et la violence de certains gardiens (surtout lorsque le citoyen refuse de payer), l’obligation de paiement à chaque arrêt même pour une minute, ou encore la prolifération des faux gardiens. Et même si la police leur mène une chasse à l’homme sans répit, souvent soldée par des interpellations, les gilets jaunes continuent de sévir.

Un «métier fructueux» qui rapporte jusqu’à 100 dirhams par jour

De tous âges, les gardiens de voitures sont, pour la plupart, des pères de famille. En aidant les automobilistes à stationner et en gardant leurs véhicules à longueur de journée, ils arrivent à vivre et faire vivre les leurs. Mais avec la campagne de boycott lancée à leur encontre, ils s’estiment laissés-pour-compte. «Nous ne sommes pas tous pareils, bnadem hjar w toub. Personnellement, je n’ai jamais exigé un tarif. Pourquoi le faire alors que des clients peuvent me donner jusqu’à 200 dirhams?», lâche Shahid, 32 ans. Interrogé par Niqach21, ce père de deux filles, qui garde les voitures depuis 20 ans sur le parking d’un centre commercial à Rabat, reconnaît qu’il n’a pas le droit de réclamer quoi que ce soit auprès des automobilistes, car les places relèvent de l’espace public et du bien commun. «Je n’ai pas de diplôme et par rapport aux métiers que j’ai exercés auparavant, celui-ci est fructueux, car il me rapporte entre 80 et 100 dirhams par jour, ce qui me permet de payer mon loyer de 1.200 dirhams/mois et de m’occuper de ma famille. Comment va-t-on nourrir nos familles si demain on nous interdit de garder les voitures?», s’inquiète-t-il.

Ahmed, 52 ans et 3 filles à nourrir, abonde dans le même sens que Shahid: «Si demain, on m’envoie au chômage, ma famille et moi risquons d’être dans la rue». Titulaire d’un Bac scientifique en 1982, cet ancien archiviste de l’Office chérifien des phosphates a démissionné «pour chercher un meilleur travail», mais depuis 16 ans, il est gardien de parking dans un centre commercial de la capitale. Il lance un cri du cœur aux autorités: «Il faut qu’ils nous trouvent une solution, qu’ils nous protègent, car ils savent que nous sommes honnêtes mais personne ne nous écoute».

Quant à Adil, 38 ans et père d’un garçon, il gagne son pain quotidien (entre 70 et 100 dirhams) depuis 8 ans sur une avenue exploitée par la société de développement local (SDL) Rabat Parking au quartier de l’Agdal. Selon lui, les automobilistes préfèrent confier leurs véhicules aux gardiens car ils se sentent rassurés. «Au lieu de payer 6 dirhams par heure en parking ou 2 dirhams en voirie, les gens préfèrent nous laisser leurs voitures pour une petite somme. Les gardiens veillent au grain pour que rien ne puisse arriver aux véhicules tandis que les sociétés exploitant les parkings se dégagent de toute responsabilité de ce qui peut arriver à votre véhicule», argumente-t-il, non sans préciser qu’il aimerait exercer le gardiennage légalement s’il en avait la possibilité.

Que dit la loi ?

«Les gardiens illégaux, c’est-à-dire ceux qui ne disposent pas d’autorisation d’exercer, font l’objet de poursuites conformément à la réglementation en vigueur. En ce qui concerne ceux qui disposent de l’autorisation, si des infractions sont constatées, notamment le non-respect des dispositions de l’autorisation, celle-ci leur est retirée», explique Mohamed Bourrahim, vice-président du Conseil de la ville de Casablanca en charge de la mobilité et du transport. Dans des propos relayés le 11 juillet par le quotidien Ahdath Al Maghribia, l’élu rappelle que le tarif de stationnement et de gardiennage est fixé par arrêté fiscal municipal: 3 dirhams pour les voitures, 5 dirhams pour les camions, et 2 dirhams pour les bicycles, motorisés ou non. Et de préciser: «Ces tarifs sont valables pour n’importe quelle période, y compris l’été, et peuvent être augmentés la nuit.»

Quid de l’organe chargé de l’exploitation de l’espace public? L’article 83 de la loi organique n° 113-14 relative aux communes et l’article 39 de la loi n° 78-00 portant la charte communale disposent que dans le cadre de ses compétences propres, la commune «gère les services nécessaires à l’offre des services de proximité dans le domaine de la circulation, le roulage, la signalisation des voies publiques et le stationnement des véhicules». La commune peut, par ailleurs, confier la gestion du stationnement des véhicules par voie d’affermage, soit à travers «un contrat de délégation d’exploitation par lequel le contractant s’engage à gérer un service public, à ses risques et périls, contre une rémunération versée par les usagers», ou via un contrat de partenariat public-privé où la commune reste majoritaire avec au minimum 51% du capital de la société créée à cet effet.

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