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Tunisie: vers une dictature constitutionnelle?

Tunisie: vers une dictature constitutionnelle?

Le président tunisien, Kaïs Saied, a déclaré dimanche l’Etat d’exception dans tout le pays, et pris un ensemble de mesures, dont le gel des fonctions du Parlement, la levée de l’immunité parlementaire de tous les députés, et le limogeage du chef du gouvernement…

Après un bras de fer de plusieurs mois avec Ennahda, principal parti au Parlement, le président tunisien Kaïs Saied a accaparé, dimanche 25 juillet, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Cette décision est intervenue lors d’une réunion tenue au Palais de Carthage avec les responsables militaires et sécuritaires, après que des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes pour dénoncer le blocage politique auquel fait face la Tunisie depuis plusieurs mois.

Dans un communiqué publié dimanche, la présidence tunisienne a annoncé la décision de Saied de suspendre le Parlement et de démettre le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, chargé de la gestion des affaires du ministère de l’Intérieur. Le président tunisien a également annoncé la levée de l’immunité de tous les députés, et pris la tête du Ministère public pour engager lui-même des poursuites à l’encontre des parlementaires ayant des affaires en cours.

Dans une déclaration télévisée, il a expliqué que ces décisions ont été prises conformément à l’article 80 de la Constitution tunisienne.

Que prévoit l’article 80?

La Constitution tunisienne, dans son article 80, stipule que «le président de la République peut prendre les mesures imposées par l’Etat d’exception», et ce, «en cas de péril imminent», c’est-à-dire menaçant les institutions de la nation, la sécurité, l’intégrité nationale, ou l’indépendance du pays et «entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics».

Néanmoins, ces mesures peuvent être prises «après consultation du chef du gouvernement, du président de l’Assemblée des représentants du peuple et après en avoir informé le président de la Cour constitutionnelle». Pourtant, le professeur de droit constitutionnel a refusé, le 3 avril dernier, de ratifier la loi relative à la cour constitutionnelle. En effet, l’article 88 de la Constitution permet à cette institution de destituer le chef d’Etat, mais elle doit statuer sur cette question et prononcer elle-même la destitution. Ce qui expliquerait le refus du président de promulguer cette loi.

Ainsi, malgré les apaisements du président tunisien, une concentration des pouvoirs a bien eu lieu en dessaisissant le Parlement du pouvoir législatif, en gouvernant par décret présidentiel, et en limogeant plusieurs ministres (Défense, Justice, Intérieur, etc.). Ce qui est encore plus alarmant, c’est l’appropriation par le pouvoir de l’opportunité des poursuites.

La situation actuelle en Tunisie pourrait faire penser à celle de 1793 en France avec la Constitution dite «Jacobine». Face aux périls extérieurs, le gouvernement français créa le Comité de salut public, qui créa à son tour des tribunaux d’exception pour condamner les opposants. Cette décision s’est avérée être une erreur fatale, se traduisant par pas moins de 1.285 condamnations à morts…

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