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CDG: l’éternelle attente d’une réforme

CDG: l’éternelle attente d’une réforme

Annoncée depuis des années et étayée par nombre de rapports et d’enquêtes aussi critiques les uns que les autres, la réforme de la Caisse de dépôt et de gestion se fait toujours attendre. Il y a urgence, ce chantier en cachant un autre, bien plus vaste. Cette fois sera-t-elle la bonne?

Nombreux ont été les rapports et enquêtes à en décrier tant le caractère (trop) tentaculaire que les multiples dysfonctionnements touchant plusieurs de ses filiales. La réforme annoncée de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), bras financier de l’Etat et centralisateur de l’épargne et de la retraite des Marocains, se fait toujours désirer.

Le gouvernement Akhannouch semble décidé à en découdre, afin de dégraisser le mammouth et le faire se recentrer sur ses activités de base. Cette restructuration figure d’ailleurs dans le projet de Loi de finances (PLF) 2022. Et il y a urgence. L’établissement public gère près de 200 milliards de dirhams de réserves des caisses de retraite et d’autres fonds. Et de cette refonte dépendra notamment le rapprochement en vue d’institutions bancaires et financières publiques dans le cadre de la mise en place d’un pôle financier public. Un vaste chantier pour lequel la situation actuelle de la CDG constitue un facteur structurel de blocage.

Pour l’heure, une telle volonté relève toujours du vœu pieux. Et les résultats de la CDG, censée porter des pans entiers de l’économie nationale, en pâtissent lourdement. Notez -3,8 milliards de dirhams sur son résultat net en 2020 par rapport à 2019, qui affichait à son tour +622 millions de dirhams par rapport à l’année précédente. Si le ralentissement de l’activité dû à la pandémie explique en partie une telle baisse, il ne saurait la justifier entièrement.

De mauvais résultats traduisant une mauvaise gouvernance, la CDG en connaît depuis des années. En atteste un rapport de la Cour des comptes sur le secteur des établissements et entreprises publics datant… de juin 2016. Déjà. Le rapport, qui plus est, établissait le bilan de la Caisse sur les 10 années ayant précédé sa publication.

Un autre rapport, celui de la Commission de contrôle des finances publiques à la Chambre des représentants, établit le même constat. Celui de la Mission exploratoire temporaire sur le secteur des établissements de crédit et organismes assimilés, sorti en février 2021 et validé par la commission permanente chargée du contrôle des finances publiques, ne dit pas autre chose non plus. Les chiffres qu’il contient sont des plus alarmants. Le taux de rendement des participations de la CDG est passé de 6,6% en 2008 à 2,5% en 2014. Une tendance baissière qui se poursuit depuis.

En cause: la situation financière difficile dont souffrent certaines participations importantes telles que CMVT International, Acacia Participations et d’autres, comme les hôtels, et le rendement encore déficient de filiales comme l’Agence d’Urbanisation d’Anfa (AUDA) et la Société d’Aménagement de Zenata (SAZ).

Et c’est là où le bât blesse: la politique de filialisation engagée en 2004. Opérant actuellement dans plusieurs secteurs d’activité (gestion de l’épargne, prévoyance sociale, banque, assurance, finance de marchés, développement territorial), le groupe CDG s’est de facto retrouvé dans plusieurs secteurs d’activité pouvant être exercés par le privé. Parmi ceux-ci, on trouve notamment la promotion immobilière, l’habitat social, l’intermédiation boursière, la gestion d’actifs, le développement et la gestion de résidences pour étudiants, l’ingénierie et le conseil, le gardiennage, la construction et la gestion des parkings urbains et le tourisme.

Ceci, alors que la mission de la Caisse consiste à assurer la gestion des deniers, la conservation des valeurs appartenant aux fonds ou organismes qui y sont tenus ou qui le demandent, la réception des consignations administratives, judiciaires et des cautionnements ainsi que la gestion des caisses ou services spéciaux qui peuvent lui être confiés.

Mais la réalité est tout autre. Le nombre d’entités consolidées opérant sous la bannière CDG atteint 146 à ce jour. De 2008 à 2015, en particulier, l’institution a procédé à la création de 60 filiales et prises de participations. Cette «politique a poussé la CDG à intervenir dans des domaines d’activités fortement concurrentiels et à s’engager dans des secteurs dont la rentabilité est incertaine. Plusieurs filiales rencontrent des difficultés à rentabiliser leurs investissements et créer de la valeur pour le groupe», lit-on dans le rapport de la Cour des comptes.

Le diagnostic étant établi, le temps est à l’action. Le rapport sur les établissements et entreprises publiques du PLF-2022 est clair à ce sujet. Il y est question d’une stratégie s’articulant autour du recentrage de la Caisse sur ses métiers de base, à travers la simplification de la structure du groupe et la réduction du nombre de filiales et de participations, la création de fonds d’investissements dédiés aux métiers mondiaux du Maroc, au financement des PME et au développement des start-ups, ainsi que l’accompagnement des PME à travers l’activité de garantie des financements.

Autres axes évoqués: la sécurisation et la fructification de l’épargne, la structuration et l’investissement dans les infrastructures d’utilité publique, la contribution à la viabilité et la réforme du système des retraites au Maroc. Une refonte du cadre juridique régissant la CDG, afin de mieux clarifier ses missions, moderniser sa gouvernance et revoir ses règles de gestion et de fonctionnement, est, d’ailleurs, en cours et est amenée à passer à la vitesse supérieure.

Les pistes de réforme sont ainsi définies. Et les recommandations, notamment celles de la mission exploratoire, ne manquent pas. Au nouvel Exécutif de leur donner forme, et substance. Et c’est (déjà) pour hier.

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