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Analyse. Crise Maroc-Espagne: les belles paroles, c’est bien mais…

Analyse. Crise Maroc-Espagne: les belles paroles, c’est bien mais…

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Nombreux sont ceux qui, en Espagne, estiment que Madrid a fait un grand pas vers la réconciliation avec Rabat, et que cette dernière devrait réagir (favorablement). Si les choses étaient aussi simples…

Plusieurs mois que la crise diplomatique se poursuit entre le Maroc et l’Espagne, provoquée par l’accueil en secret du chef du polisario, Brahim Ghali, sur le territoire ibérique. Plusieurs mois que les responsables espagnols tentent de rétablir les relations avec le Maroc, partenaire stratégique incontournable. Plusieurs mois qu’ils «attendent» une quelconque réaction de Rabat pour le rétablissement de ces relations. Mais est-ce assez? Rien n’est moins sûr.

Depuis plusieurs semaines, les autorités espagnoles se sont passé le mot: il faut rétablir les relations avec Rabat. Et ils ont bien raison, quand on sait l’importance de la coopération avec le Maroc pour leur pays, sur plusieurs plans, notamment sécuritaire et économique, sans oublier l’immigration. De nombreuses personnalités ibériques ont, de fait, adhéré à ce mot d’ordre, dont notamment les ministres des Affaires étrangères, José Manuel Albares Bueno, et de l’Agriculture, Luis Planas, l’ex-patron du renseignement espagnol, Jorge Dezcallar, et, plus récemment, le Premier ministre, Pedro Sanchez ainsi que le roi Felipe VI lui-même.

Même le parti d’extrême droite Vox, connu pour ne pas être très fan du Maroc, s’est joint à la danse. Par ailleurs, mardi 18 janvier, lors de sa rencontre à Washington avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, Albares a abordé la situation entre son pays et le Maroc. Le chef de la diplomatie du voisin du nord a demandé le «soutien» de Washington…pour régler la question du Sahara. «Nous avons convenu d’unir nos forces pour résoudre ce conflit qui dure depuis trop longtemps et pour lequel une solution doit être trouvée», a souligné le responsable espagnol, après la rencontre.

La balle n’a pas changé de camp

Au vu de toutes ces tentatives, nombreux sont ceux qui, aujourd’hui en Espagne, estiment que Madrid a fait un grand pas vers la réconciliation avec Rabat, et que cette dernière devrait réagir. C’est le cas d’El Español, qui y a consacré un éditorial, ce mercredi. «Le Maroc se sait fort dans cette crise», écrit le média, ajoutant que l’Espagne a dû jouer «pour la deuxième fois» la carte du roi, «la dernière dont elle dispose en matière de diplomatie». Ainsi, «la balle est dans le camp de la monarchie alaouite, pas de l’Espagne», croit trancher le confrère.

Mais les choses ne sont pas si simples, et un fait important demeure: aussi bien la sortie de Felipe VI que celle du MAE espagnol n’ont pas dépassé le stade des déclarations de bonnes intentions, et aucun geste majeur n’a suivi. Attendre donc une réponse favorable du Maroc dans ces conditions s’avère loin d’être réaliste.

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient

«Le Maroc ne semble pas convaincu par les déclarations des officiels espagnols. La preuve en est que Karima Banyaich, l’ambassadrice du Royaume chez le voisin du nord, n’a toujours pas rejoint son poste à Madrid. Le Maroc attend toujours des gestes concrets et sérieux pour un rapprochement crédible avec le Maroc», analyse Mohamed Chakir, interrogé par Ni9ach21. Et l’expert en relations internationales d’observer: «Autant l’Allemagne, principale puissance européenne, a bien avancé sur ce chemin, en appuyant récemment l’option d’autonomie du Sahara marocain et en invitant le souverain à se rendre à Berlin, autant l’Espagne persiste dans son ambiguïté et son double-discours.»

Même son de cloche pour l’analyste politique Hassan Belouane. Egalement interrogé par Ni9ach21, celui-ci souligne que «l’Espagne a bien compris la leçon après sa magistrale erreur de recevoir le chef du Polisario sur son sol comme elle saisit désormais que la question du Sahara est une ligne rouge pour le Maroc. Mais elle ne sait pas comment réagir.» Il poursuit en confirmant que des négociations sont en cours et qu’elles comprennent des aspects comme l’immigration clandestine et la coopération économique. Néanmoins, «elles sont, et seront, âpres, au vu de la nouvelle posture du Maroc, devenu de facto une puissance régionale aussi importante qu’incontournable. Cela prendra du temps, mais l’Espagne s’y résoudra». N’en déplaisent à certains, la balle est loin d’avoir changé de camp.

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